En 2050, le premier pays musulman sera... l'Inde

D'ici la fin du siècle, l'islam délogera le christianisme comme première religion de la planète, et la principale concentration de musulmans sera en Inde. Alors que le ramadan commence ce soir, gros plan sur une population qui va bouleverser la démographie du monde dans les prochaines décennies.


En 2050, le premier pays musulman sera... l'Inde

Tous les vendredis, c'est une véritable marée humaine qui s'entasse dans la cour de la mosquée Jama Masjid de New Delhi, la plus grande de l'Inde. L'endroit peut accueillir 25 000 personnes, et pourtant, lors de certaines prières, il déborde.

La mosquée Jama Masjid de New Delhi.
Devant la mosquée Jama Masjid de New Delhi. Photo : Radio-Canada/Thomas Gerbet

La majorité des musulmans de la planète ne vivent pas au Moyen-Orient ou dans le nord de l'Afrique, mais dans la zone Asie-Pacifique (63 %). C'est en Indonésie et au Pakistan qu'on en compte le plus, mais l'incroyable croissance démographique de l'Inde va les dépasser d'ici 2050, selon un rapport du Pew Research Center publié le mois dernier.

De jeunes musulmanes près de la mosquée Haji Ali, de Mumbai.
De jeunes femmes musulmanes prennent des égoportraits, près de la mosquée Haji Ali, de Mumbai. Photo : Radio-Canada/Thomas Gerbet

La moitié des musulmans de la planète a moins de 24 ans. C'est la communauté religieuse la plus jeune. En Inde, la population musulmane va presque doubler par rapport à aujourd'hui pour atteindre plus de 300 millions de personnes d'ici 2050.
 

Les femmes musulmanes sont aussi celles qui font le plus d'enfants, trois en moyenne. Les prévisionnistes envisagent qu'à compter de 2035 les mères musulmanes donneront naissance à davantage d'enfants que les mères chrétiennes.
 

En 2050, 10 % des Européens auront l'islam pour religion. Ce sera le cas de 2 % des Américains et de 18 % des Indiens. Ce qui est particulier avec l'Inde comme futur premier pays musulman de la planète, c'est que ces mêmes musulmans y seront minoritaires. Ce géant de 1,3 milliard d'habitants est encore largement dominé par les hindous (80 %).

Pas toujours facile d'être musulman en Inde

Les relations entre hindous et musulmans sont plus apaisées qu'elles ne l'ont été dans le passé, mais des tensions surviennent encore. Le conflit avec le Pakistan au sujet de la région à majorité musulmane du Cachemire  n'est toujours pas réglé depuis 70 ans, et cela continue de causer échauffourées et occasionnellement émeutes et attentats.

Javed Wani, résident de Mumbai de confession musulmane.
Javed Wani, résident de Mumbai de confession musulmane. Photo : Radio-Canada/Thomas Gerbet

Des discriminations existent toujours de part et d'autre dans le pays. Les communautés sont souvent séparées par quartier, même au sein d'un bidonville. « Il y a des immeubles où on ne peut pas louer d'appartement parce qu'on est musulman », explique Javed Wani, qui travaille dans la production cinématographique.

Il arrive que la discrimination soit plus subtile : « Parfois, ils vont interdire la location aux gens qui ne sont pas végétariens, explique-t-il. Tu comprends vite que ce n'est pas pour toi. » En règle générale, les musulmans indiens ne sont pas végétariens.

J'ai beaucoup d'amis hindous et ils seront toujours mes amis. Je déteste les politiciens qui essaient de diviser les gens.

 Javed Wani, résident de Mumbai, de confession musulmane.

Quand nous l'interrogeons sur le parti au pouvoir, nationaliste hindou, qui a causé plusieurs problèmes aux musulmans récemment, il tente de se faire rassurant. « C'est vrai qu'on voit une différence par rapport au gouvernement précédent, les musulmans sont moins considérés. Mais nous sommes un pays démocratique et je suis sûr qu'on peut réussir à vivre en paix. S'affronter n'est jamais une solution. »

Noorul Huda Khan, musulman de Mumbai.
Noorul Huda Khan, musulman de Mumbai. Photo : Radio-Canada/Thomas Gerbet

« Ce pays est bon pour nous, il ne veut pas de conflit », estime pour sa part Noorul Huda Khan, un père de famille musulman de Mumbai. « Oui, il y a des terroristes, mais c'est le cas dans toutes les religions. Chez les hindous, comme chez les musulmans. Ces gens sont égoïstes et nuisent à la nation. Ils créent des conflits entre nous dans leur propre intérêt. »

Des femmes musulmanes au marché de Bangalore
Les signes religieux divers et variés sont présents dans l'espace public en Inde, même le voile intégral. Ici, des femmes dans un marché de Bangalore. Photo : Radio-Canada/Thomas Gerbet

L’Inde est un État laïque et multiculturaliste où les religions ont toutes leur place. Des quotas sont mis en place à l'embauche dans la fonction publique pour s'assurer que les employés de l'État sont représentatifs de la société.

L'État indien accepte même la présence de « lois » religieuses qui encadrent par exemple le mariage et le divorce. Un débat houleux a lieu en ce moment dans le pays concernant la possibilité pour les musulmans d'officialiser un divorce en prononçant trois fois le mot « talaq [répudiation] ». Le gouvernement aimerait que ce soit aboli.

Un tas de souliers, devant la mosquée Haji Ali de Mumbai.
Un tas de souliers, devant la mosquée Haji Ali de Mumbai. Photo : Radio-Canada/Thomas Gerbet

Il n'y a pas que des tensions entre hindous et musulmans en Inde, il y a aussi des gestes de fraternité plus rares ailleurs. La mosquée Haji Ali de Mumbai par exemple est un lieu saint fréquenté également par des hindous, et les deux communautés cohabitent en paix. Et puis il ne faut pas oublier que le Taj Mahal, merveille et fierté de l'Inde, est un mausolée... musulman.

Vendredi 26 Mai 2017




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