Professeur, depuis deux semaines la capitale sénégalaise vit une pénurie jamais enregistrée depuis les indépendances. Comment expliquez-vous cette situation ?
De prime abord, il s’agit d’un problème technique qui malheureusement persiste. C’est aussi le résultat d’une stratégie de développement hydraulique visant l’atteinte des objectifs de satisfaction des besoins en eau, basée sur un axe unique que constitue le transfert d’eau du lac de Guiers vers Dakar.
Cette stratégie volontariste manque d’être prudente car la question des ressources alternatives ou la valorisation des ressources d’opportunité, celle de la gestion de la demande ou celle de la sécurité en eau inscrites dans le document « Vision Nationale Long Terme sur l’Eau, la Vie et l’Environnement – Horizon 2025 » n’ont fait pas l’objet d’un traitement rigoureux.
Pareille situation pouvait-elle être évitée ?
Je pense que oui. De très bonnes idées existent pour soulager la conduite du lac de Guiers.
L’utilisation de l’eau de pluie, l’utilisation de l’eau traitée par l’Onas pour l’agriculture, le branchement des maraichers sur les forages de la nappe de Thiaroye, la sensibilisation des usagers sur l’économie de l’eau, … sont autant d’idées à explorer et à mettre en œuvre. Il faut également une démarche prospective orientée sur la gouvernance de l’eau en rapport avec les territoires.
Gérer c'est prévoir dit-on. Les régimes précédents n'ont-ils pas aussi une part de responsabilité dans tout cela ?
Le bilan reste quand même assez positif comparé à certains pays de la sous région.
Face, aux situations de déficit d’eau, la réaction de l’Etat du Sénégal et de ses partenaires a été la mise en place d’ouvrages hydrauliques de grande envergure (barrages de Diama, Barrages de l’Anambé) et de petites retenues collinaires (bassins de rétention,…) afin d’améliorer le stockage de l’eau. Par ailleurs cette maitrise s’accompagne d’efforts de mobilisation (forages) et de transfert de l’eau pour une supplémentation des zones déficitaires (ALG, Adduction Ndiosmone palmarin, Adduction Ndiocksall et branchement multivillageois).
Depuis 1992, le Sénégal s’est engagé progressivement dans la mise en place d’une gouvernance du secteur de l’eau en œuvrant sur les institutions, les instruments, les politiques et la législation.
Comment comprendre les lenteurs notées sur les travaux ?
A ma connaissance, il s’agirait d’un problème de matériel non disponible immédiatement.
Par ailleurs l’absence de plan B et la pression sociale qui y est liée amènent à une certaine forme de précipitation pour un retour à la normale. Malgré la situation, je pense que les règles de procédure en matière d’intervention sur ce type de problèmes doivent être respectées.
La gestion de cette crise a aussi laissé plus d'un Sénégalais sur sa faim. Qu'est qui devait être fait pour alléger la souffrance des Sénégalais ?
Les solutions actuelles (camions citernes,…) doivent être renforcée par une action de communication sur un plan de fourniture en eau alternée des quartiers, visible pour tout le monde. Ce qui réduirait l’impression de chaos observable dans la ville.
D'après vous existe-il une solution définitive, ou un plan B pour ne plus jamais revivre pareil cas ?
Je crois qu’un plan B devra être envisagé pour identifier toutes les crises à venir et solutions plausibles.
Combien représente le business de l'eau au Sénégal ?
Le ministère en charge de l’eau est plus habilité à répondre à cette question.
Enfin, à votre avis est-il indiqué de laisser certains secteurs vitaux, comme l'eau ou l'électricité entre les mains du secteur privé ?
Le secteur de l’eau, en tant que fondement de la plupart des activités de production et de développement, mobilise une partie des richesses du pays. Il contribue à générer des valeurs économiques et sociales. A ce titre le ministère en charge de l’eau doit être considéré comme une institution de souveraineté au regard de son implication socio politique et économique.
Le temps du ministère du développement hydraulique est révolu. Il s’agit aujourd’hui d’un véritable secteur stratégique qui doit être considéré en tant que tel.
Cependant l’expérience a montré que la gestion de l’eau faite par le privé a permis d’améliorer le service. La division actuelle du travail dans le domaine me semble pertinente. Il faudrait seulement diversifier les acteurs privés dans l’exploitation de l’eau.
Entretien réalisé par Fara Michel Dièye
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