Discours de Mr François Colin, Vérificateur général du Sénégal à l'occasion de la cérémonie de présentation du rapport public sur l'Etat de la gouvernance et la Reddition des Comptes 2014.


Discours de Mr François Colin,  Vérificateur général du Sénégal à l'occasion de la cérémonie de présentation du rapport public sur l'Etat de la gouvernance et la Reddition des Comptes 2014.
Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et messieurs les ministres,
Madame et messieurs les Inspecteurs généraux d’Etat,
Mesdames et messieurs les Assistants de Vérification,
Mesdames et messieurs les invités.
 
Monsieur le Président de la République,
C’est pour moi un insigne honneur, de vous présenter le Rapport public sur l’Etat de la Gouvernance et de la Reddition des Comptes, au titre de l’année 2014. C’est aussi un agréable devoir dont je m’acquitte aujourd’hui, avec beaucoup de plaisir et d’autant plus d’émotion, que cette présentation intervient un an jour pour jour, après votre décision de me nommer Vérificateur général du Sénégal, le 25 juillet 2013. Je saisis donc l’heureuse opportunité que m’offre la cérémonie solennelle de ce matin, pour vous réitérer mes plus sincères remerciements, pour avoir bien voulu m’accorder votre bienveillante confiance, en me portant à la tête de la prestigieuse institution qu’est l’Inspection générale d’Etat (I.G.E.).
Je voudrais également saisir l’occasion, pour rendre un hommage particulièrement appuyé à tous mes prédécesseurs et spécialement, à Madame Nafy NGOM KEÏTA dont j’ai été l’adjoint quatre (04) ans durant et à qui il m’a été donné l’honneur de succéder. Tous ont su, chacun dans son style, sauvegarder les fondements de l’institution et en consolider la crédibilité, ainsi que l’image.
Avec l’aide de Dieu et le soutien irremplaçable de mes collègues, membres du  Corps des Inspecteurs généraux d’Etat, je compte pour ma part, poursuivre dans la même voie et ne ménager aucun effort, pour poser des jalons supplémentaires, de nature à hisser encore plus haut l’étendard de l’IGE.
 
 
Monsieur le Président de la République,
La présentation du Rapport public sur l’Etat de la Gouvernance et de la Reddition des Comptes, le deuxième du genre après celui de l’année dernière, est-il besoin de le rappeler, procède d’une exigence de la loi n° 2011-14 du 8 juillet 2011 abrogeant et remplaçant la loi n° 2005-23 du 11 août 2005 portant statut des Inspecteurs généraux d’Etat, modifiée par la loi n° 2007-17 du 19 février 2007. En effet, en son article 9, elle fait obligation à l’IGE de produire ce rapport, dans le respect du caractère secret des informations qu’elle détient, de par l’exécution de ses missions.
Il s’agit d’abord, de vous rendre compte de l’état de la gouvernance publique dans notre pays et ensuite, de satisfaire le droit des citoyens à une information correcte sur le fonctionnement de l’Administration.
Le présent rapport public couvre la période comprise entre août 2013 et juillet 2014. Pour rappel, celui de l’année dernière qui vous avait été remis par mon prédécesseur en août 2013, demeure un document de référence, puisqu’il couvrait à titre exceptionnel, une période de six (06) ans.
En tout état de cause, il importe de souligner que le présent rapport public est une synthèse des rapports des enquêtes, audits, vérifications administratives et financières, ainsi que des passations de service, conduits par l’I.G.E. Il est dans le même temps, le fruit de l’exploitation des actes réglementaires et autres correspondances, dont copies sont régulièrement transmises à cette institution. C’est dire que le rapport public de 2014 embrasse de nombreux secteurs d’activités et une multitude de situations.
Je me dois toutefois de préciser que les missions d’audit, de vérification, d’enquête ou d’investigation, au sein de structures publiques et privées que vous aviez ordonnées, au lendemain de votre accession à la Magistrature suprême, ne sont pas abordées par ledit rapport public de 2014. En effet, en raison de l’ampleur des ressources budgétaires qu’exigeaient de telles missions et de la longueur des procédures de sélection des cabinets privés appelés à y intervenir, ces missions qui ont nécessité plus de temps que prévu, sont en cours de finalisation.
Le rapport public de 2014 passe en revue dans une première partie, les multiples compartiments de la gouvernance administrative, avant de s’intéresser dans une seconde partie, à la gouvernance économique et financière. Cette approche globale distingue néanmoins, dans chacune de ces deux (02) parties, l’Administration centrale, des administrations décentralisées (secteur parapublic, agences et collectivités locales).
S’agissant de la gouvernance administrative, deux (02) principaux types de constats se dégagent de la première partie du rapport de cette année. Ils concernent d’une part, les règles de création et de dissolution des structures administratives et d’autre part, la qualité de la rédaction administrative.
Dans cet ordre d’idée, il  traite longuement du décret portant répartition des services de l’Etat et du contrôle des établissements publics, des sociétés nationales et des sociétés à participation publique entre la Présidence de la République, la Primature et les Ministères. Il est apparu, en effet, que ce décret portant répartition des services fait désormais l’objet d’un recours de plus en plus récurrent, pour créer ou dissoudre des directions et agences ou parfois, en modifier la dénomination.
C’est le cas de la Délégation à la Réforme de l’Etat et à l’Assistance technique (DREAT) qui est devenue le Bureau Organisation et Méthodes, à la faveur du décret n° 2013-1225 du 04 septembre 2013 relatif à la répartition des services de l’Etat.
Or, un décret portant répartition des services qui n’a vocation ni à créer des structures administratives, ni à les supprimer et encore moins à modifier les appellations de celles-ci, devrait se limiter à répartir entre les différentes tutelles, des services déjà existants. Ces services doivent avoir préalablement été créés par d’autres textes légaux ou règlementaires, bien plus appropriés.
A l’analyse, le recours à un tel « raccourci » pour le moins inadéquat, comporte des limites aux conséquences souvent regrettables. En ce qui concerne les agences, le décret portant répartition des services de l’Etat peut apparaître comme un moyen de contourner l’obligation légale de réaliser l’étude préalable d’opportunité et d’impact exigée par l’article 2, dernier alinéa, de la loi d’orientation n° 2009-20 du 4 mai 2009 sur les agences d’exécution et qui doit être annexée à tout décret de création d’une agence. Du côté des services centraux, le décret portant répartition semble être utilisé abusivement, pour éviter de justifier la nécessité de la création d’une entité administrative. Les principes généraux voudraient en effet, que la création d’une nouvelle direction par exemple ne soit autorisée, que lorsque les missions à exécuter l’exigent et que l’effectif le permet.
En conséquence, les recommandations formulées sur la question par l’I.G.E. consistent, non seulement à proscrire le recours dans les cas susvisés au décret portant répartition des services, mais aussi à faire édicter et appliquer un référentiel relatif à la création et à la structuration des entités administratives. Ce référentiel existait, à travers la Commission nationale de Rationalisation des Structures et des Emplois publics (CORASEP) mais avec le temps, il est tombé en désuétude. Il s’agira donc de définir à nouveau des règles souples, à adapter aux différentes situations précitées, à chaque fois que de besoin.
Quant à la rédaction administrative, le constat sans appel est qu’elle est de plus en plus dépouillée, de ce qui faisait sa particularité, à savoir son fondement et son langage spécifique. Le courrier administratif doit en effet, dans sa présentation, être clair, courtois, concis et ne laisser aucune place, ni à une libre interprétation, ni à de rémanentes et légitimes interrogations de l’exécutant ou de l’usager. Un tel résultat s’obtient essentiellement par le choix judicieux des mots et la place de ceux-ci dans l’élaboration des textes, quelle que soit leur portée.
En outre, diverses irrégularités ont été relevées dans l’élaboration de certains actes individuels,  qui consacrent la nomination à des postes de responsabilité de personnes ne répondant pas au profil administratif exigé. Il en est ainsi de la nomination de certains Secrétaires généraux de ministères, qui ne sont pas des fonctionnaires de la Hiérarchie A, alors que la règlementation régissant cette matière l’exige.
On en arrive paradoxalement à des situations où l’Administration viole ses propres règles.
Dès lors, l’une des orientations susceptibles de contribuer à remédier à ces divers manquements, consiste à redonner toutes ses attributions à la fonction de contrôle et spécialement, à la fonction de contrôle interne.
En tout état de cause, plusieurs départements ministériels qui actuellement établissent en leur sein une cartographie des risques, gagneraient à y instaurer dès que possible, une véritable culture du contrôle interne.
S’agissant de la gouvernance économique et financière, à laquelle est consacrée la seconde partie du rapport public de 2014, plusieurs dysfonctionnements ont été relevés, à travers l’examen de cas illustratifs dont les causes ont été analysées, en vue de la formulation de recommandations.
Ces cas illustratifs se rapportent, entre autres, aux terres d’un particulier à Bambilor, à la délivrance des licences d’exploitation dans le domaine minier, au fonctionnement du Fonds spécial de Soutien au Secteur de l’Energie (F.S.E.), à l’édification de la Maison du Sénégal à New-York, au dossier de la Société Sécuriport, à la gestion du IIIème Festival mondial des Arts nègres (FESMAN) et à l’Agence nationale pour la Promotion du Tourisme (A.N.P.T.).
 De l’examen de ces différents cas, il ressort que les principales causes de la mal gouvernance économique et financière sont à rechercher notamment, dans la propension à dilapider les ressources foncières, la violation des règles de passation des marchés publics et bien d’autres irrégularités dans la gestion financière et comptable. Sur ce point, il n’est du reste pas sans intérêt de stigmatiser le recours abusif aux décrets d’avance.
Dès lors, des recommandations ont été formulées dans le domaine des ressources foncières, pour une modification de la loi n° 64-46 du 26 juin 1964 relative au Domaine national. Il s’agit de prendre convenablement en compte les besoins des générations actuelles, comme ceux des générations futures, en matière d’habitat, d’exploitation familiale et d’agro-business, tout en veillant à la préservation de l’environnement et au développement durable. Il importerait également, de procéder à la tenue correcte et à la mise à jour régulière des livres fonciers, ce qui éviterait bien des contentieux en matière domaniale.
Sur un tout autre plan, le rapport public de 2014 formule par ailleurs, une série de recommandations, en vue de l’adoption de meilleures pratiques, dans le domaine de la passation de la commande publique, ainsi que dans le domaine de la tenue de la comptabilité des matières.
Pour ce qui concerne les administrations décentralisées et pour permettre de prendre en charge de nouveaux types d’établissements publics, l’I.G.E. recommande vivement la révision de la loi  n° 90-07 du 26 juin 1990 relative à l’organisation et au contrôle des entreprises du secteur parapublic et au contrôle des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique.
Quant aux collectivités locales, diverses recommandations sont formulées par le présent rapport public, dans le sens de contribuer à l’efficacité de la mise en œuvre de l’Acte III de la décentralisation. A ce titre, l’I.G.E. fait observer que le Gouvernement gagnerait à soumettre à l’examen de l’Assemblée nationale, le rapport annuel sur le contrôle de légalité exercé l'année précédente à l'égard des actes des collectivités locales, conformément aux dispositions du Code général des Collectivités locales.
 
Monsieur le Président de la République,
Au terme de cette présentation succincte du rapport public de cette année, je voudrais encore solliciter votre bienveillance, afin de me permettre avant de terminer mon propos, de saluer le remarquable engagement et la totale discrétion de l’ensemble du personnel de l’I.G.E. Je tiens en particulier à exprimer toute ma satisfaction aux Présidents successifs du Comité du rapport public, les Inspecteurs généraux d’Etat Papa Ousmane Guèye, qui a entamé le travail et Armand Jean-Jacques Nanga qui l’a poursuivi et achevé, ainsi qu’aux membres dudit comité, pour leur ardeur au travail et leur abnégation. Ils ont travaillé en équipe et sans relâche, pour me permettre de vous soumettre ce matin, le rapport public de 2014.
Je voudrais enfin remercier tous les Inspecteurs généraux d’Etat et les Assistants de Vérification, ainsi que le personnel administratif et technique de l’I.G.E., pour leur loyauté quotidienne, sans laquelle il n’aurait pas été possible à cette institution de réaliser ses nobles et délicates missions.
Monsieur le Président de la République, de telles missions étant en définitive, assignées à l’I.G.E. du fait de la large confiance et du précieux soutien, que vous n’avez cesse de lui manifester, je tiens pour finir, à vous en remercier bien sincèrement, au nom de l’institution.   
Je vous remercie pour votre aimable attention!
Vendredi 25 Juillet 2014




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