Débordements lors du match Sénégal vs Cote d'ivoire à Charléty : à qui la faute ?


Débordements lors du match  Sénégal vs Cote d'ivoire à Charléty : à qui la faute ?
« Petite négligence accouche d’un grand mal », dit-on. Les fédérations sénégalaise et ivoirienne de Football peuvent pousser un gros ouf de soulagement car cette journée de Lundi 27/03/2017 aurait pu être à feu et à sang. Hier, elles ont joué avec les vies de plusieurs centaines de leurs compatriotes dans l’antre du stade Charlety. Ce temple omnisports, niché dans le 13eme arrondissement de Paris, aux bordures du boulevard périphérique parisien aurait pu être le cimetière d’africains venus de tous les coins de l’ile de France et des proches provinces. L’amateurisme de ces fédérations  dépasse l’entendement. Elles ont fait montre d’une grande négligence en matière de sécurité à l’entrée et à l’intérieur du Stade.
 
Aujourd’hui, tous les quotidiens pointent du doigt l’immaturité des supporters qui ont envahi le stade. Ils fustigent le comportement des sénégalais et des ivoiriens qui n’ont pas su jouer aux « civilisés ». Les uns pointent du doigt la « sauvagerie » africaine, les autres s’indignent de la « l’incorrection » de  l’africain. Dans les plus grands stades du monde, quelles que soient les équipes en lice, les supporters n’en font qu’à leurs têtes dès lors qu’une sécurité dissuasive n’est pas mise en place. Que l’on soit brésilien, Singapourien, hollandais, australien, ivoirien ou sénégalais, un supporter reste un supporter. La passion prend très souvent le dessus sur la raison. Par exemple, au parc des princes, à la mi-temps, les jeunes changent de tribunes et jouent souvent au chat et à la souris avec les agents de sécurité. Ils aiment se faufiler dans les tribunes de fervents supporters pour être au cœur de l’ambiance. On peut tout mettre sur le dos des supporters pour noyer le poisson. Mais, hier, nul besoin d’être un professionnel de la sécurité pour déceler le manque criard de dispositions sécuritaires au stade Charléty.  
 
Les fédérations des deux pays, ont-ils minimisé l’enjeu du match vu le jour et l’horaire du match ?  Ont-elles pensé que les afficionados du football africain ne seront pas au rendez-vous de Charléty pour ainsi lâcher du lest en terme de sécurité ? Il est vrai qu’à 20 heures, il est très difficile de se rendre dans le 13ème arrondissement en voiture ou en métro-tram tant les conditions de circulation sont difficiles. Entre 18 heures et 20 heures, c’est l’affluence dans les métros parisiens et sur les grands axes routiers. Donc, beaucoup de sénégalais et d’ivoiriens vivant en banlieue auraient pu déchanter de monter sur Paris pour un match amical. Mais hélas, c’était la grande affluence aux abords du stade Charlety. Munis de billets ou sans billets, tous les supporters étaient amassés dans ce petit emplacement faisant face à l’entrée du stade, à quelques encablures des rails du tram reliant Pont de Garigliano et Porte de Vincennes. Plus l’heure du match approchait, plus les supporters agglutinés devant les portes du stade s’excitaient. Les agents de sécurité étaient débordés d’entrée, incapables de tenir en respect la foule. Peu nombreux et très peu outillés, ils ont vite été dépassés par les évènements.  Encore plus surprenant, aucune compagnie de CRS ou de police nationale était visible sur place. Une chose est sûre, sénégalais et ivoiriens sont considérés comme de doux agneaux pour les forces de l’ordre de l’ hexagone. C’est sûr que ce n’est pas l’Algérie qui jouait à Charléty. En plein plan Vigipirate où la menace terroriste est à son paroxysme, nous étions en mode « freedom ». On pouvait picoler, fumer du «  gandia », allumer des fumigènes à volonté sans aucun problème… Nos vies semblaient loin d’être au cœur des préoccupations dans les dispositifs sécuritaires de Paris. Sinon, comment justifier le manque de cordon sécuritaire aux abords du stade en plein plan Vigipirate ? Comment comprendre que les CRS, très en vue, dans toutes les manifestations sportives de l’ile de France, aient été aux abonnés absents ?
 
Quand l’équipe de France joue au Stade de France, les abords du stade sont contrôlés systématiquement par policiers et CRS. Plusieurs rues sont fermées à la circulation. Souvent le périphérique et l’autoroute A1 sont fermés à hauteur de la porte de la chapelle. Vigipirate oblige ! Tout le monde est fouillé à l’entrée du stade. Quand je faisais steward à mes heures perdues au Stade de France et au parc des princes, nous étions convoqués à 14 Heures pour des matchs prévus à 21 Heures afin de prêter mains fortes aux CRS et aux policiers aux abords et à l’intérieur du stade. Plusieurs entreprises de sécurité, triées au volet, étaient préposées à filtrer les entrées de voiture, les accès à certaines rues stratégiques. Les voisins du stade étaient obligés de justifier leur adresse pour pouvoir accéder à leurs domiciles. A l’intérieur du stade, il y avait des agents de sécurité partout : à l’entrée des tribunes, aux gradins… Quiconque s’excitait était rappelé à l’ordre. A défaut, on l’extirpait de sa place pour le livrer à la sécurité du stade. Vigipirate,  c’est tolérance zéro dans les stades.  Oui, tous les stades, sauf  Charlety, dira-t-on. Ce stade  présentait le décor d’un stade Iba Mar DIOP au jour de « Lamb ». Pardon, c’était même jour de Navétanes à Paris.  Il me rappelait les moments où je profitais du procédé «  Mbalite » pour aller regarder un match KUSSUM vs KHANDALOU. Les supporters, pressés de rejoindre les gradins ont forcé le passage. Hommes, femmes, jeunes et enfants passaient par toutes les issues qui se présentaient. Certains prenaient des risques considérables pour entrer dans le stade pendant le tohu-bohu. Des enfants et les filles étaient piétinés. C’était indescriptible. Il planait un parfum de « Ngenté toubab » à Charléty. «  Amoul fay tey », devait-on écrire devant la porte de Charléty.  En un clair, tous les verrous du stade Charlety ont sauté. Ivoiriens et Sénégalais ont donné du fil à retordre à la sécurité de ce stade. Quiconque connait le monde de l’évènementiel à Paris sait que les agents de sécurité font montre seulement de figuration. S’ils ne sont pas épaulés par des forces de l’ordre pour le maintien de l’ordre, ils ne peuvent arrêter aucun quidam. C’est ainsi dans tous les manifestations sportives. D’ailleurs, ils n’ont aucun droit sur un citoyen lamda même si le plan Vigipirate leur permet de fouiller les supporters. Dès lors, la question qui s’impose et se pose est la suivante ? Pourquoi les fédérations des deux pays n’ont pas mis le paquet en terme de sécurité en faisant appel comme il se doit aux forces de l’ordre. Si on peut organiser une manifestation quelconque avec sa propre force de sécurité, les mairies et les préfectures peuvent accompagner cette force de sécurité privée par la police nationale ou la compagnie républicaine de sécurité à la demande de l’organisateur. Bien évidemment, il y a un coût. Il faut passer à la caisse. Y a-t-il encore de l’argent dans les caisses de ces fédérations, se demande-t-on  car c’est effarant d’organiser un match international sans dispositif de sécurité maximale. Tout porte à croire que les fédérations sénégalaise et ivoirienne ont lésiné sur les moyens. Ils ont pas mis les pécules nécessaires pour disposer de forces de sécurité en quantité et en qualité. Ce n’est que plus tard dans la soirée que des fourgons de police ont pris d’assaut les abords du stade, certainement pour préparer la sortie des supporters du stade.
 
A l’intérieur du stade, le constat était plus alarmant. En petits groupes, les supporters ont rejoint une partie du stade fermée au public. En un clin d’œil, les autres compartiments du stade ont été occupés par les supporters ivoiriens et sénégalais. Les pauvres agents de sécurité n’ont pas tenu leur rôle une seconde face à la poussée des supporters. En courant, en enjambant quelques fois les strapontins , filles et garçons ont pris place sur les gradins en face de la tribune officielle dans un vacarme indescriptible. Pendant de longues minutes, aucun cordon d’agents de sécurité n’était présent sur cette partie du stade. Quiconque voulait danser le «  sabar » ou le «  zouglou » sur la pelouse de Charléty pouvait s’en donner à cœur joie. Face à la menace de supporters surexcités et une première incursion sur la pelouse, des agents de sécurité ont accouru. C’est qu’à ce moment précis, à quelques minutes de la mi-temps, que des agents de sécurité ont constitué un cordon face à cette tribune. Mais, qui,  pouvaient-ils arrêter en talons d’une dizaine de centimètres  pour les femmes et en chaussures de ville pour certains hommes ? Les deux femmes qui étaient préposées à dissuader les gens de descendre sur la pelouse du côté où nous étions ne pouvaient arrêter un « gamin » de 3 ans. Elles étaient en talon. Comment arrêter dans ce cas deux bonhommes d’une vingtaine d’années qui couraient dans tous le sens ? Sans la présence de force de l’ordre, les stadiers ne peuvent dissuader aucun « écervelé » qui avait à cœur de se donner quelques minutes de sensation forte en foulant la pelouse de  Charléty. Pendant toute la durée du match, il n’y avait pas l’ombre d’un policier, même municipal, dans cette partie du stade de Charléty. On pouvait se cogner, se massacrer entre supporters, nul n’était là pour assurer notre sécurité. Mais, heureusement, ivoiriens et sénégalais ont fait montre d’une grande maturité dans les tribunes. Il y aurait pu avoir des massacres si Satan avait jeté un parfum de désamour entre les «  Gorguis » et les «  Mokho ». Dieu merci, c’était ambiance amicale.
 
C’est d’ailleurs la seule note positive malgré cet atmosphère de «  sabar bou tass » qui régnait au stade Charléty. L’ambiance était bon enfant. Ivoiriens et sénégalais étaient assis côte à côte en se chambrant et en rigolant. Je partageais la même tribune avec une famille ivoirienne. Un « vieux père » ivoirien nous avait bien régalé avec ses vannes et ses anecdotes succulentes. Les ivoiriens nous rappelaient les beaux jours de leur sélection avec à la clef deux coupes d’Afrique dont l’une soulevée par la bande d’Abdoulaye TRAORE au stade Amitié devenu Leopold Sedar Senghor. Ils reconnaissent tout de même les talents d’El Hadji Diouf et de Khalidou FADIGA. Aujourd’hui, ils plébiscitent Sadio Mané comme véritable pépite africaine. Pendant un moment, ils ovationnèrent «  DOUCOURE ». Pour rigoler, je leur lançai stupéfait : «  Doucouré ivoirien ? C’est impossible. C’est le fils de mon chef de village au Sénégal. Certainement, son père était commerçant de colas à Abidjan…Oui, d’ailleurs, Douk Saga  de son vrai nom Hamidou Doucouré est un petit Soninké dont les parents sont originaires du Sénégal oriental. ». Eclats de rire ! Ainsi, des deux côtés, ce fût la bataille de noms de famille… Puis, je dis au vieux père : Au moins, l’ivoirité n’est plus d’actualité. L’équipe nationale en est la preuve vivante.
 
Sénégal-Cote d’ivoire, c’est l’Afrique. Après le match, on craignait le même vacarme d’avant match pour sortir du stade… Finalement, la sortie fut fluide car toutes les issues du stade étaient ouvertes. A l’extérieur, les uns se lamentaient des débordements qui avaient mis fin au match. Les autres fustigeaient la « sauvagerie africaine ». Mais, ce qu’ils oublient, c’est que nous sommes victimes simplement de l’amateurisme de nos fédérations, incapables d’organiser des rencontres sportives dans les stades dignes de ce nom. Il y a eu des précédents... D’autres équipes africaines ont connu le même sort dans l’antre de Charléty. Les fédérations ivoirienne et sénégalaise avaient connaissance de ces incidents. A défaut de ne pas réserver un stade ultra sécurisé pour cette rencontre, elles auraient pu au moins mettre les bouchées doubles pour la sécurité. Certainement, la boite de sécurité préposée au maintien d’ordre dans le stade Charléty appartient au cousin ou au frère d’un membre de l’une des fédérations. Comme dit le proverbe : «  Chassez le naturel, il revient au galop. C’est l’Afrique, c’est l’homme qui a peur sinon y a pas dra. C’est vrai qu’on a rien mais on s’enjaille quand on peut ».
 
Samba Fodé KOITA dit EYO
Mardi 28 Mars 2017




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