DÉCRYPTAGE / Directions techniques nationales : Le mal du sport sénégalais

Il y’a une semaine, le journal Le Quotidien revenait largement sur la problématique de la Direction technique nationale (Dtn), outil technique de la Fédération, pour ne pas dire de la politique sportive de tout un pays. Chargé de la direction des Équipes nationales, le Directeur technique national (Dtn) coordonne les activités des cadres sportifs susceptibles de promouvoir toute action ayant pour but la pratique du sport de masse. Sans oublier les sessions de formation préparant aux diplômes d’État des Fédérations sportives (1er, 2e et 3e degré). Il est aussi chargé d’établir avant le 30 juillet de chaque année, un plan d’action fédéral, accompagné d’un projet de budget et d’un rapport d’activités pour la saison sportive écoulée. Malheureusement, cette responsabilité semble désormais de plus en plus orientée vers les déplacements à l’étranger, lors des sorties des Équipes nationales. Sur ce chapitre, le ministre des Sports n’a d’ailleurs pas manqué de poser le problème dernièrement. Suffisant pour relancer le débat et s’interroger...


En mai dernier, le ministre des Sports, Matar Ba, avait lâché une bombe en annonçant des changements dans les Directions techniques nationales (Dtn). Quatre mois après, le patron des Sports n’a toujours pas posé le moindre acte. Suffisant pour susciter quelques interrogations sur les enjeux d’un tel chamboulement dans le fonctionnement des directions au sein des différentes fédérations sénégalaises. 
 
En voulant apporter du sang neuf à la tête de ces directions, le ministre des Sports avait fini de se faire une idée sur l’inefficacité de nombre de directeurs techniques. À ces derniers, Matar Ba disait que «certains ne sont pas connus à Fatick ou à Ziguinchor. Ils ne restent qu’à Dakar alors que leur travail est de faire de la détection, d’aller installer des organes au niveau des régions». Avant d’ajouter : «Il y a beaucoup de directeurs techniques qui sont à la retraite. Si on a des jeunes qui peuvent les accompagner, il ne faut pas que certains gens fassent une chasse gardée de certains postes. Ce n’est pas possible.»
 
Voyage, perdiems, primes de match…
 
En attendant une réouverture du dossier par le patron des Sports, la situation est restée la même. Pour ne dire qu’elle a empiré. La dernière Coupe d’Afrique des Nations de football en Egypte, l’Afrobasket féminin à Dakar, le Mondial masculin en Chine, ou encore les Jeux africains à Rabat, au Maroc, les championnats du monde de judo, au Japon… sont autant d’exemples pour étayer les tares du système.
 
Le rôle du Directeur technique national (Dtn) semble désormais exclusivement dévolu aux déplacements à l’étranger. Leur tâche, pour bon nombre d’entre eux, est désormais entièrement et exclusivement dépendant du calendrier de l’Equipe nationale A, pour ne pas dire des compétitions internationales. Pendant que d’autres ne se gênent pas d’accompagner la petite catégorie lors des matches amicaux à l’étranger. Des déplacements nullement anodins puisqu’ils leur permettent de profiter des avantages avec logement dans des hôtels de luxe, restauration, sans oublier la principale source de motivation, les primes journalières ou forfaits suivant la durée de la mission. 
 
À l’inverse, les déplacements à l’intérieur du pays ne les enchantent nullement, préférant confier la tâche aux «remplaçants» qu’ils ont eux-mêmes choisis de mettre à leurs  côtés. D’autres ne planifient même pas des activités de formation ou de détection dans les régions, arguant souvent des problèmes de moyens. Et pourtant, une collaboration avec la direction de la Formation ou des activités physiques et sportives du ministère des Sports aurait amplement suffi pour dérouler un plan programme annuel et bénéfique à cette partie «oubliée» du monde sportif sénégalais.
 
Détection, formation dans les régions
 
Pourtant dans le Statut et fonctions portant nomination des directeurs techniques nationaux, et dont Le Quotidien a eu copie, il est clairement spécifié que le «Directeur technique national est le spécialiste d’une discipline. Il doit avoir une haute qualification, des titres et une expérience lui conférant une compétence reconnue dans le domaine de sa spécialité. Il ne peut être ni entraîneur ni pratiquant d’une association sportive». Et le décret de préciser : «Il est nommé par arrêté du ministre, chargé des Sports, sur proposition du directeur de l’Education physique et des sports, après avis du président de la Fédération concernée.»
 
À ce titre, l’article 3 précise : «Le Directeur technique national est dans sa spécialité chargé de la direction des Équipes nationales. À ce titre, il prospecte et perfectionne les éléments de valeur, veille à leur promotion sociale, sous le couvert du président de la Fédération concernée. Il soumet au ministre des Sports la candidature des postulants aux fonctions d’entraîneur national ou de conseiller sportif régional, des athlètes ou des entraîneurs susceptibles de suivre des stages à l’étranger, des athlètes auxquels il y a lieu d’attribuer des bourses d’entraîneur ou des avantages en nature, des pratiquants ou cadres sportifs sollicitant leur admission dans les sessions de formation préparant aux diplômes d’État des Fédérations sportives (1er, 2e et 3e degré). 
 
Il assure en outre, conjointement avec les entraîneurs nationaux : L’élaboration des programmes de préparation des Équipes  nationales, l’organisation et l’encadrement des regroupements et des stages nationaux et régionaux, la préparation des calendriers sportifs nationaux et internationaux, la sélection des Équipes nationales, civiles, scolaires, universitaires et corporatives.»
 
Dans l’article 4, il est mentionné : «Le Directeur technique national coordonne les activités des cadres sportifs susceptibles de promouvoir toute action ayant pour but la pratique du sport de masse.» Alors que l’article 7 rappelle au Dtn «d’établir avant le 30 juillet de chaque année un plan d’action fédéral, accompagné d’un projet de budget et d’un rapport d’activités pour la saison sportive écoulée. Ces documents sont soumis pour approbation au ministre des Sports, après avis du président de la Fédération concernée».
 
Le silence «coupable» des présidents de Fédération
 
Dans ce contexte, c’est le silence coupable des présidents de Fédération qui indispose nombre d’acteurs de la famille sportive. Sinon, difficile de comprendre les nombreux déplacements de ces derniers à l’étranger, parfois en l’intervalle d’une semaine, pour ne pas dire d’une journée, entre deux sélections, voire deux catégories, sans que des mesures ne soient prises.
 
Au-delà, la responsabilité devrait également incomber aux autres fédéraux et techniciens qui souvent ferment les yeux sur ce genre de pratiques pour éviter d’attiser la colère des hommes d’en haut. Au finish, le mal est connu de tous et les responsabilités partagées, mais chacun préfère jeter son regard là où il y a le moins de complaintes et de complications.
 
Alternative et solutions
 
Face à la problématique des directions techniques nationales, il urge de poser le débat et de s’interroger sur l’alternative afin de trouver la bonne formule. Sur ce chapitre, beaucoup d’acteurs interpellés n’ont pas souhaité s’épancher sur la question pour ne pas indisposer les responsables en place. Autant au niveau du ministère des Sports qu’au sein de certaines fédérations. Préférant garder l’anonymat, ils ont néanmoins soulevé quelques problématiques afférentes à la bonne marche d’une Direction technique nationale (Dtn). C’est le cas d’abord de la mise en place d’une direction technique forte, avec l’implication des techniciens chargés des autres catégories.
 
Au-delà, certains ont évoqué l’absence de moyens de fonctionnement dont souffre la direction technique afin de lui permettre de bien mener sa mission sur toute l’étendue du territoire. Même si dans certaines fédérations, des efforts sont consentis afin de leur permettre de dérouler un certain nombre de programmes.
 
Reste à savoir si le ministre des Sports va enfin reprendre le dossier en mains et remettre de l’ordre dans tout ça afin de mettre, comme il le dit si bien, «l’homme qu’il faut à la place qu’il faut».
Samedi 7 Septembre 2019




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