Conditions d’acquisition et d’affectation des terres du domaine du Général Chevance Bertin à Bambilor : Trente milliards dans le vent


Conditions d’acquisition et d’affectation des terres du domaine du Général Chevance Bertin à Bambilor : Trente milliards dans le vent
L’IGE s’est également penchée dans son rapport 2014 sur les conditions d’acquisition et d’affectation des terres du domaine du Général Chevance Bertin à Bambilor, et il ressort d’après le rapport, que la non perception des recettes fiscales a fait perdre à l’Etat plus de 30 milliards de francs CFA, profitant ainsi à l’enrichissement de particulier. 
Le dossier des terrains de Bambilor a révélé que toutes les recettes fiscales n’ont pas été perçues sur les importantes transactions immobilières qui ont été réalisées. Il s’agit des droits d’enregistrement et de la taxe de plus-value immobilière qui sont exigibles sur lesdites transactions. En effet, au titre des droits de mutation, les préjudices enregistrés résultent, d’une part, de minorations de la base imposable, et d’autre part, d’exonérations accordées sans fondement légal.
En ce qui concerne la taxe de plus-value immobilière, elle n’a pas généré toutes les recettes attendues des cessions effectuées par les personnes auxquelles l’Etat a vendu des terrains. Ces dernières ont revendu leurs terrains, sans avoir réalisé le moindre aménagement sur les sites contrairement à leurs déclarations. Elles auraient donc dû être taxées sur la différence entre le prix d’acquisition et le prix de cession. Or, la plus-value a été minorée, sans que l’administration ait mené la moindre action pour redresser les bases de taxation, de toute évidence fortement sous-évaluées, et sauvegarder les intérêts du Trésor public. Au total, l’Etat a perdu, dans ces opérations, hors toutes pénalités, amendes et intérêts de retard, la somme de trente milliards cinq cent trente-trois millions quatre cent cinquante-six mille (30.533.456.000) francs CFA, ainsi répartie :
- Revenus de cession du domaine privé de l’Etat :
22.990.000.000 francs CFA ;
- Droits d’enregistrement :
3.738.394.000 francs CFA ;
- Droits de timbre :
2.000 francs CFA ;
- Taxe de plus-value immobilière :
3.805.060.000 francs CFA.
Enrichissement sans cause de particuliers
Les particuliers, personnes physiques et personnes morales, qui ont bénéficié de cessions sur les terrains de Bambilor ont été indûment enrichis, suivant un procédé frauduleux. En effet, les terres qui leur ont été cédées ont été revendues, notamment à des démembrements de l’Etat, avec un différentiel de prix qui leur a permis de réaliser de substantielles plus-values. La manoeuvre la plus déconcertante a été qu’ils ont tous payé à l’Etat avec les gains réalisés sur les ventes faites à ses démembrements. Au surplus, après la conclusion de leurs contrats, des facilités de paiement leur ont été accordées par le service chargé des Domaines.
Ainsi, il est apparu que certaines de ces personnes avaient même démarché les structures futures acquéreurs pour la cession de terrains, avant d’avoir elles-mêmes acquis les terrains qu’elles proposaient de leur vendre. C’est le cas de l’une d’elles qui, par lettre du 15 février 2010, proposait, déjà, à la Caisse des Dépôts et Consignations, de « mettre à (sa) disposition une assiette d’une superficie de cent-cinquante hectares (150 ha) à Bambilor et dépendant du TF 1975/R ».
Cette offre avait ainsi été faite avant même que l’intéressé n’ait acquis les cent-soixante-quinze hectares (175 ha) cédés par l’Etat. A cette date, la Commission de Contrôle des Opérations domaniales n’avait même pas encore examiné de demande de cession immobilière le concernant. Cette commission ne s’est prononcée sur sa requête que le 2 mars 2010 et le contrat de vente, signé le 26 mars 2010, n’a été approuvé que le 26 mai 2010.
Par ailleurs, il convient de relever que certains démembrements de l’Etat qui ont acheté auprès des spéculateurs, notamment la  CDC, auraient acquis directement auprès de l’Etat, si le service chargé des Domaines leur en avait donné l’opportunité. Ce faisant, ils auraient fait des économies substantielles correspondant exactement à la plus-value réalisée indûment par ces spéculateurs.
Ainsi, la CDC ayant besoin de cent-cinquante hectares (150 ha), pour réaliser un programme immobilier de six mille (6000) logements sociaux, conformément aux missions que lui assignent la loi n° 2006-03 du 4 janvier 2006 qui l’a créée, avait acheté cinquante hectares (50 ha) auprès de l’Etat, avant de se retrouver dans l’obligation d’acheter dans les conditions présentées ci-dessus, simplement parce que, suite à sa requête pour acquérir cent hectares (100 ha) complémentaires, le Directeur général des Impôts et des Domaines lui avait signifié qu’il n’y avait plus de disponibilité foncière dans la zone, alors que la personne qui lui a vendu cent hectares (100 ha) a été bénéficiaire de cession sur un terrain contigu à ses cinquante hectares (50 ha).
Rappel
L’opération foncière consistant en l’acquisition par l’Etat des terres du Général Chevance BERTIN à BAMBILOR, au motif déclaré de sécuriser les villages situés à l’intérieur de ces terres comporte, selon le rapport sur un fond de détournement d’objectif, des manœuvres manifestes de contournement de la loi. Par ailleurs, il y est relevé la perte de ressources fiscales, l’enrichissement de particuliers au détriment de la collectivité nationale et du Trésor public. De même, des négligences de nature à compromettre les intérêts de l’Etat ont été notées dans le suivi des dossiers.
 Détournement d’objectif
Les villages traditionnels de Bambilor, Déni Guédj, Gorom II, Mbèye, Nguendouf et Wayembam sont implantés dans le périmètre du titre foncier n° 1975/R situé dans le Département de Rufisque et appartenant aux héritiers du Général Chevance BERTIN. Au motif de sécuriser ces villages et prévenir tout risque de contentieux entre leurs habitants et les propriétaires inscrits au Livre foncier, l’Etat a engagé une opération d’acquisition du Titre foncier. Cependant, la manière dont l’opération a été menée a révélé que l’objectif ainsi déclaré n’était qu’un prétexte et que le soubassement véritable était un projet planifié d’enrichissement de particuliers. En effet, il est établi que non seulement les opérations foncières, comme la délimitation et la sécurisation n’ont pas été conduites à leur terme, mais, les terres acquises par l’Etat ont été cédées à des particuliers, qui les ont revendues notamment à la Caisse de Sécurité sociale, à la Caisse des Dépôts et Consignations et à une coopérative d’habitat dans des conditions qui ignorent toutes les règles de gestion du patrimoine foncier de l’Etat.
Ainsi, les personnes physiques ou morales impliquées dans l’opération ont été attributaires ou cessionnaires de vastes étendues de terres, sans qu’elles aient été porteuses de l’un quelconque des projets prévus par la réglementation, mais simplement dans un but spéculatif.
Violations manifestes de la loi
Dans l’opération en cause, il a été constaté un contournement, voire une violation systématique de la loi, aussi bien en ce qui concerne les attributions de parcelles par voie de bail, qu’en ce qui concerne les cessions directes de terrains. Pour ce qui est des baux, ils ont été consentis sans respect des conditions prévues par la loi, notamment, l’obligation de mise en valeur incombant aux attributaires. Ainsi, soit aucun programme immobilier n’a été présenté, soit, le cas échéant, celui-ci n’a pas été agréé par les services techniques compétents qui ignoraient tout de son existence. Au surplus, ces programmes n’ont jamais eu un début de réalisation, ce qui constitue la preuve manifeste qu’ils n’étaient qu’un alibi pour se livrer à la spéculation.
S’agissant des cessions, les lois et règlements sur le fondement desquels elles ont été réalisées, ont été allègrement violés. En effet, les lois en question ne prévoient de cessions de terrains domaniaux qu’au profit de titulaires de baux ou de titres d’occupation, sans quoi seule une autorisation législative pourrait permettre une cession directe, telle que c’était le cas de plusieurs acquéreurs.
Enfin, les prix de cession pratiqués ne sont pas conformes au barème fixé par l’arrêté n° 2781/MEF/DGID du 22 mars 2010.
Négligences dans le suivi des dossiers
Le dossier des terrains de Bambilor a révélé des cas patents de négligence et d’imprudence de la part des services des Domaines, qui auraient pu entraîner de lourds préjudices pour l’Etat. En effet, d’abord, dans la première dation en paiement des droits de mutation par décès, l’immeuble objet de cette dation en paiement était grevé d’une hypothèque conventionnelle, au profit d’une banque de la place. Cette hypothèque n’a été levée que bien plus tard, après l’inscription des droits de l’Etat au Livre foncier.
Ensuite, sur la transaction initiale entre l’Etat et les propriétaires du Titre foncier dans le périmètre duquel se trouvent les villages traditionnels, les services des Domaines n’ont pas muté au nom de l’Etat toutes les terres que celui-ci avait acquises et dont le prix était payé. En effet, conformément aux stipulations de la convention, les mutations devaient être opérées au prorata des paiements effectués par l’Etat.
Cette situation était porteuse de risques, parce que cette partie des terrains acquise et non mutée au nom de l’Etat n’était pas sécurisée et pouvait être revendue par les propriétaires inscrits à des tiers ; ce qui aurait créé un contentieux inutile entre l’Etat et ses cocontractants.
Enfin, le terrain situé au Front de terre, que l’Etat a reçu en échange d’un autre terrain de Bambilor, dans des conditions tout aussi illégales, n’a pas encore été muté au nom de l’Etat. C’est ainsi qu’il a été grevé d’une hypothèque forcée et d’une pré-notation postérieurement à l’opération d’échange.
Ces situations de défaut de mise à jour des livres fonciers sont caractéristiques d’une profonde incurie de la part des services en charge des Domaines et sont générateurs de contentieux.
Mercredi 30 Juillet 2014




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