CONTRIBUTION-POUR QUE LA REGION DE DIOURBEL « NE TIRE PLUS LE SENEGAL PAR LE BAS », EN MATIERE DE TAUX BRUT DE SCOLARISATION(TBS)


CONTRIBUTION-POUR QUE LA REGION DE DIOURBEL « NE TIRE PLUS LE SENEGAL PAR LE BAS », EN MATIERE DE TAUX BRUT DE SCOLARISATION(TBS)
Lors du CRD spécial de Diourbel sur la rentrée scolaire 2014, il a été tenu des propos, notamment par Monsieur le Directeur de la Planification et de la Réforme de l’Education du ministère de l’Education nationale (DPRE) qui suscitent à mon niveau un certain nombre de questionnements.
Mais, précisons d’abord que c’est en tant que citoyen de la région de Diourbel, résidant à TOUBA que j’interviens, et que les éléments sur lesquels je vais axer ma réflexion sont tirés d’un article sur le CRD paru dans le journal le Quotidien du mardi 16 Septembre 2014.
Dans l’article en question, on peut relever des observations relatives à la faiblesse du taux brut de scolarisation (TBS) de la région de Diourbel qui font dire à Monsieur le DPRE que « la situation du département de MBacké est très préoccupante », et que, « en vérité, c’est MBacké qui tire la région par le bas (…) et, au-delà de la région, puisque celle de Diourbel tire le pays par le bas, MBacké tire le pays par le bas ».
Autrement dit, selon le DPRE du ministère de l’Education nationale, si le Sénégal connait des difficultés en matière d’accès à la scolarisation, la responsabilité incombe   au département de MBacké et à la région de Diourbel.
Le premier élément de questionnement, après analyse est le suivant :
Comment se fait-il que la DPRE, donc le Ministère de l’Education nationale n’a pas encore compris que, tant que l’on se limitera aux seuls effectifs du système dit formel, il en sera toujours ainsi ?
Il a été quand même montré, et, depuis fort longtemps que pour avoir le TBS réel d’une région quelle qu’elle soit, il faut impérativement prendre en compte les daaras et structures assimilées qui enrôlent des milliers et des milliers d’enfants.
Dans une étude faite en Décembre 2012 par l’Inspecteur de l’Education et de Formation (IEF) de MBacké, la population scolarisable  dans la seule ville de TOUBA est estimée à 345000 enfants ; ce qui aurait nécessité 345 écoles de 1000 élèves chacune. Or, la quasi-totalité de ces enfants sont dans les daaras et structures assimilées.
Par ailleurs, un recensement fait par la section de TOUBA de la Ligue des écoles coraniques du Sénégal fait état de près de 70000 enfants garçons et filles pour la même agglomération.
Il est vrai que ce recensement est un peu ancien (2009) et qu’il a été mené par des privés aux moyens limités, mais, si l’on y ajoute les effectifs des autres daaras de la région, on imagine aisément les résultats par rapport au TBS.
Le département de MBacké et la région de Diourbel ne manquent donc pas d’enfants scolarisés ; si, bien sûr, « scolarisé » signifie  être dans une structure d’enseignement apprentissage.
Et cette réalité n’est vraiment pas une nouveauté ; ce qui, par contre m’étonne sérieusement, c’est que l’on persiste à accuser la région de Diourbel de « tirer le Sénégal par le bas », tout en ignorant parfaitement la réalité incontournable des daaras et de leurs effectifs.
Ou alors ; il faut se résoudre à dire de façon officielle et claire que l’enseignement coranique ne fait pas partie du système éducatif sénégalais !
Sinon, s’agirait-il de contraindre les populations de la région de Diourbel à renoncer à leurs choix en matière de système éducatif destiné à leurs enfants ?
En tout état de cause, Monsieur le DPRE propose comme solution, « un sursaut régional », «la mobilisation de l’ensemble des acteurs pour prendre en charge résolument le développement de l’éducation dans la région ».
C’est bien, mais en quoi faisant ? Que peuvent faire les communautés pour atteindre cet objectif ?
Renoncer aux formes d’enseignement autres que celles proposées par l’école publique ?
Ne serait ce pas plutôt à l’Etat de reconnaître et d’accepter que les populations de la région de Diourbel en général et celles du département de MBacké en particulier ont, pour l’écrasante majorité, opté pour un système éducatif différent du système officiel et auquel elles ne sont pas prêtes à renoncer ?
J’estime, de par ma petite expérience du système que ces éléments avaient fait l’objet d’une sorte de consensus, même non formalisé ; et que, de toute façon, la réflexion au cours des récentes Assises de l’Education et de Formatons les a abordés de façon explicite, avec analyses et recommandations.
Il est vrai, le système d’enseignement dans les daaras n’est pas exempt d’anomalies et d’imperfection ; loin s’en faut ; mais, à mon sens, la solution ne passera ailleurs que par la rencontre avec les acteurs, des échanges approfondis et une acceptation pour chaque partie  de concessions par rapport à ce que propose l‘autre.
Cela également, n’est pas nouveau.
Dans une étude faite sous l’égide de l’ancien Conseil rural de TOUBA Mosquée en Avril 2013, document intitulé « Document de base de la Commission scientifique des journées de réflexion sur la problématique de l’Education à TOUBA », il est fait un diagnostic sans complaisance de la situation dans la Vile sainte en mettant à nu tous les tares et manquements du système.
C’est ainsi que 06 modèles éducatifs enrôlant des milliers et des milliers d’enfants son répertoriés avec leurs problèmes et des propositions de solution qui pourraient se résumer ainsi :
L’acceptation par les Autorités religieuses de l’implantation d’écoles publiques dont le format et les contenus prendraient en charge les spécificités de la localité, mais aussi, pour l’Etat, la prévision dans le système, à côté d’école « française » ou « franco arabe » adaptées, la possibilité pour le daara traditionnel d’être comptabilisé dans le système en tant que modèle propre.
Ce n’est qu’après cela, que le « sursaut régional » dont parle le DPRE pourrait être envisagé.
Par ailleurs, il y a une autre réalité de la région de Diourbel que l’on n’a pas besoin de se cacher : la spécificité de la région en matière d’éducation relève surtout de la Vile sainte de TOUBA.
Non seulement la capitale du Mouridisme est de loin la localité la plus peuplée de la région, mais, en plus, elle constitue une référence constante par rapport à ce qui se fait dans la région, en matière d’éducation notamment.
En tous cas, avec des efforts consensuels de rencontre et de partage, entre l’Etat et les populations, un modèle accepté par les 02 parties pourrait être conçu et mis en œuvre pour la majorité des populations de la région.
Et pour ceux que ce modèle n’agréerait pas, il y aura toujours la disponibilité du modèle classique existant actuellement.
Si l’on réussissait à mettre en œuvre cette solution, la situation du système éducatif de la région connaîtrait une amélioration décisive, et le TBS, du même coup, pourrait rivaliser avec les plus performants du pays.
Et, peut-être, la région de Diourbel pourrait-elle commencer, - pourquoi pas ?- à « tirer le pays par le haut » en matière de TBS.
Pour terminer, je vais emprunter quelques autres éléments de solution à la contribution que j’ai faite, sous le contrôle et la participation du Comité régional de Diourbel pour les Assises et l’IEF de MBacké, à l’occasion du forum sur l’enseignement privé organisé dans le cadre des  préparatifs des Assises de l’Education et de Formation.
·      pour la région de Diourbel
De manière générale et englobant tout le système, il faut envisager la redéfinition des finalités, des orientations et des principes directeurs de façon participative. Cela permettrait de mieux articuler l’offre officielle d’éducation à la demande des populations fortement marquée par des préoccupations socioculturelles et professionnelles.
A cet effet, le modèle classique a besoin d’être réadapté pour produire un homme en phase avec sa culture et apte à promouvoir le développement socioéconomique ;
Le modèle franco arabe qui connaît plusieurs variantes a besoin d’être harmonisé, stabilisé et mieux accompagné dans une perspective d’efficacité, de qualité et surtout de complémentarité avec les autres modèles ;
Au même moment, Le modèle daara traditionnel et moderne (école coranique) doit non seulement être mieux organisé mais également accompagné et soutenu en termes d’interventions et d’appui en fonction des besoins exprimés par les responsables.
·      pour le cas de TOUBA
A TOUBA où le modèle officiel n’existe pas, il s’agit d’accompagner positivement les modèles choisis par les populations. Ces modèles ont en effet besoin d’être harmonisés, stabilisés et soutenus pour les rendre aptes à prendre en charge la demande éducative des populations qui, il faut le rappeler, n’épouse pas l’offre officielle
Cependant, il faut réserver une attention particulière pour les modèles de Serigne Mourtalla MBacké et de Serigne Cheikh Gaïndé Fatma dont les terreaux sont la foi, l’éducation religieuse et l’ouverture vers le monde moderne.
Ces modèles ont fini de faire leurs preuves depuis des générations.
Il faudrait enfin penser à développer la filière « Enseignement technique et Formation professionnelle » qui peut se positionner comme réponse pertinente et appropriée au problème d’insertion de ces centaines de milliers de jeunes sortis des daaras et établissements assimilés.
Mais en plus ; il faudrait également prendre en compte quelques éléments de recommandation figurant dans le rapport introductif des journées des Assises les 28, 29, et 30 Août 2014.
Dans ce document, la commission QUALITE ET EQUITE qui s’occupait des questions de réforme des programmes et d’adéquation entre offre et demande d’éducation propose, entre autres, dans les changements :
 
 
·      de tenir compte des réalités locales des populations concernées
·      de reconnaître les daaras comme étant des structures éducatives aptes à former des citoyens capables de participer au développement du pays
·      de mettre en place un système de collecte de données sur les daaras et écoles de l’enseignement arabo islamique afin de les intégrer dans les statistiques de l’Education
·      de veiller à ce que les valeurs civiques et morales partagées soient déclinées de façon claire dans le système éducatif afin de former un citoyen/une citoyenne imbu(e) des valeurs religieuses et culturelles auxquelles la nation se reconnait.
Si l’on prend en compte tous ces éléments, dans la recherche de solution, on pourrait espérer voir le bout du tunnel en matière de TBS pour la région de Diourbel ; et, du même coup, espérer avec les Assises que l’Ecole qui sortira des travaux «  devra être conforme à nos valeurs positives, à notre culture et répondre aux besoins de la nation ».
Mais, surtout, se dire avec lucidité que le défi de l’école sénégalais le plus puissant n’est peut-être pas seulement, comme indiqué dans les objectifs des Assises « comment sortir de la crise scolaire et bâtir un enseignement de qualité… », mais, c’est surtout comment réconcilier l’école publique avec les populations sénégalaises.
                                                      TOUBA, ce 17 Septembre 2014
 
                                          Mamadou LO, Inspecteur de l’Education nationale à la retraite
                                         membre du Comité régional de Diourbel pour les Assises
                                          Délégué de la région de Diourbel aux journées des Assises
                                                       demeurant au quartier Guédé à TOUBA
Dimanche 21 Septembre 2014




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