CONTRIBUTION- Acte III de la décentralisation : "Faut-il réformer la réforme"?


CONTRIBUTION- Acte III de la décentralisation : "Faut-il réformer la réforme"?
 
 
Monsieur le Président,
 
Vous ne devez pas perdre de vue qu’au-delà d’être une intercommunalité, la Ville a aussi « le statut de commune » selon les dispositions de l’article 167, alinéa 4 du Code général des collectivités locales (CGCL). Certes Vous nous dites de considérer la Ville comme une nouvelle création, alors que jusque-là aucun acte juridique ne le consacre, pas même les dispositions transitoires. Il ne serait pas donc approprié de se référer à l’article 254 du CGCL pour l’adoption d’un nouveau budget.
 
Au fond, Votre logique devrait Vous amener à conférer carrément à la Ville le statut de communauté urbaine ou communauté de communes et non pas d’en faire une collectivité locale régie dès lors par la Constitution.
 
Monsieur le Président, semble-il que vous ayez signé le Décret N°2014-830 (introuvable) le 30 Juin 2014, au lendemain des élections, pour créer les cinq villes que sont : Dakar, Pikine, Guediawaye, Rufisque et Thiès. A ce propos, nous attendons que Votre gouvernement nous édifie. Cela constituerait, bien entendu, une réponse à la question que nous nous posions avec le Chef suprême de la collectivité Léboue, à savoir « quand est-ce que la Ville sera créée ? »
 
Une telle réponse ne soulèverait-elle pas un autre problème qui obligerait à placer toutes ces Villes sous délégations spéciales !
 
Voilà entre autres les limites et l’imbroglio juridique que nous avons longtemps signalés en vain. Sans compter la loi organique n°96-11 du 22 mars 1996 relative à la limitation du cumul des mandats électifs et de certaines fonctions, les autres codes (code de la famille, code des marchés publics…) qui entendent encore d’être modifiés ainsi que les décrets d’application qui ne sont pas encore pris neuf (09) mois après l’adoption du Code Général des Collectivités Locales, deux mois l’installation des conseillers. 
 
Excellence Monsieur le Président de la République, par une lettre ouverte en date du 21 février 2014, nous Vous adjurions de nous écouter car de Votre silence naîtrait les prémices d’un recul démocratique. Nous Vous demandions si vous alliez cautionner que l’on prenne prétexte de la réforme de la décentralisation  pour instituer un mode de scrutin qui en plus de son caractère rétrograde n’est pas conforme à la loi fondamentale, ni au Code général des collectivités locales. Nous aurions même souhaité Vous le dire de vive voix !  
 
Aujourd’hui encore, Votre réforme quoique salutaire est source de contentieux et laisse des zones d’ombre. 
A l’ouverture de la Concertation Nationale avec les exécutifs locaux, vous avez indiqué que : « l'Acte 3 ne saurait être achevé avec des prises de position partisanes. Il faut éviter de nous faire un mauvais procès sur la ville de Dakar. Cela ne correspond pas à la réalité de la réforme… »
 
Des incompréhensions subsistent au point que l’un de Vos alliés les plus courtois et diplomates soit obligé de Vous suggérer de discuter avec le Maire de la capitale.  
 
En vérité, ces incompréhensions découlent du statut hybride de la Ville et de la confusion entre celle-ci et la communauté urbaine.
 
Par contre, nous sommes en phase avec son Excellence quand en réponse au Président de l’association des Maires, Vous déclarez que « L’Etat ne peut pas se dessaisir ». En effet, même si l’article 102, de la loi fondamentale dispose : « Les collectivités locales constituent le cadre institutionnel de la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques. Elles s'administrent librement par des assemblées élues »,  il reste que le Sénégal n’est toujours pas un Etat décentralisé tel que le préconise la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI) ou que les « assisards » l’auraient souhaité.
 
Par ailleurs, l’Acte 3 de la décentralisation devrait constituer une étape cruciale dans le processus de décentralisation au Sénégal. Que cette réforme prône une meilleure territorialisation des politiques publiques en vue de bâtir le développement de notre pays est salutaire. Toutefois, nos craintes de voir les objectifs déclinés à la base de cet ambitieux projet, ne puissent être réalisés de manière efficiente demeurent en dépit du diagnostic sans complaisance à partir des expériences tirées de nos différentes politiques de décentralisation.
 
L’Acte 3 de la décentralisation en postulant, la mise en place d’entités viables, nécessitait un découpage préalable des collectivités territoriales en vue d’une plus grande cohérence. Or la communalisation universelle n’a pas réellement affecté l’architecture des collectivités locales de bases. Ce constat procède assurément de paramètres politiques dans le but d’éviter de vexer les populations qui seraient concernées par le redécoupage ou la fusion de certaines collectivités alors que par exemple le maintien de plusieurs communes de la région de Dakar ou de l’intérieur ne se justifiait plus.
 
La communalisation intégrale aurait-elle dû concerner les Villes ? Tout au moins, n’aurait-il pas suffit d’envisager une clarification des relations entre la ville et les communes d’arrondissement  pour une meilleure compréhension des rôles et des relations entre celles-ci par delà la redistribution de compétences ?
 
Aussi, l’Approche différenciée entre les villes/départements qui gèrent les compétences dévolues au département et les autres villes reste-t-elle nécessaire.
 
Toujours est-il que, si la Ville est instituée selon l’alinéa premier de l’article 167 du CGCL pour mutualiser les compétences de plusieurs communes qui présentent une homogénéité territorialeGorée devrait-elle faire toujours partie de Dakar ?
 
Aux 33 questions à propos de la Réforme de l'Acte 3 de la Décentralisation que nous nous étions posées travers l’appel lancé par IPAD au mois d’avril 2014, s’y ajoute encore une autre: faut-il réformer la réforme? 
En tout état de cause, notre souhait reste que la création des pôles de développement échappe à ces logiques décriées plus hauts et ne connaisse aucune controverse. 
Sénégal, le 17 septembre 2014
Ndiaga SYLLA, Ingénieur en Gestion urbaine
Jeudi 18 Septembre 2014




1.Posté par Baye Cheikh le 18/09/2014 16:00
les questions soulevées méritent vraiment d’Être posées au president



Dans la même rubrique :