Bric-à-brac gouvernemental : L’inflation des ministères inhibe l’appel au travail de Dionne


Bric-à-brac gouvernemental : L’inflation des ministères inhibe l’appel au travail de Dionne
Dans l’entre-deux tours de la présidentielle, plus précisément le 29 février 2012, le candidat de la coalition Bennoo Bokk Yaakaar et de Macky 2012, M. Macky Sall avait fait une promesse sur le nombre de ministres que comporteraient ses différents gouvernements au cours de sa mandature. Une promesse qui avait une valeur de pacte signé et ratifié avec le peuple  sénégalais pressé de rompre avec les successifs gouvernements obèses du président Abdoulaye Wade qui obéraient le budget de l’Etat. Par la force des choses, le gouvernement de M. Abdoul Mbaye du 5 avril 2012 ne pouvait enfreindre cet engagement de campagne qui mettait en lumière la gouvernance sobre et vertueuse tant tintinnabulée par Macky Sall. Mais déjà la raideur de la corde (25 ministres sur les 25 promis) sema le doute sur l’endurance du président à respecter les termes du pacte du 29 février 2012. Et la nomination sans limite de ministres conseillers et de ministres d’Etat sans portefeuille pour contourner sa promesse fut le premier acte de renonciation posé par le président de la République. Des ministres conseillers et d’Etat qui n’ont rien à envier à leurs collègues de plein exercice puisqu’ils ont un salaire égal et quasiment les mêmes avantages. Et cerise sur le gâteau, ils siègent au conseil de ministres même en tant que spectateurs. 
Un gouvernement qui grossit à chaque jeu de chaises musicales
Au premier remaniement du gouvernement de M. Abdoul Mbaye du 29 octobre 2012, le président de la République a revu les choses à la hausse passant de 25 à 30 ministres. Et symétriquement, le nombre de ministres conseillers prit l’ascenseur. Le pacte fut rompu et on retourna à l’ère Wade où la nomination à un poste ministériel n’obéissait plus à des critères méritocratiques mais à la volonté du Prince de satisfaire une clientèle politique affamée et avide de prébendes et de subsides. C’était le premier acte de rétractation discursive du président de la République. Le gouvernement du 1er septembre 2013 formé par Mme Aminata Touré continua de suivre la pente ascendante des deux précédents. De 30 on passa à 32 ministres. Et le 4 juillet dernier confirma l’embonpoint progressif que prend le gouvernement à chaque remaniement. 33 ministres dont 3 délégués et 6 secrétaires d’Etat ! Ce qui porte le nombre de ministres et assimilés à 39 membres du gouvernement même si Maxime Jean Simon Ndiaye, le Secrétaire général de la présidence, souligne que les secrétaires d’Etat ne sont pas membres du gouvernement. S’il s’est hâté de le préciser tout juste après la lecture des membres du gouvernement, c’est pour être en conformité avec l’article 53 de la constitution qui stipule que le gouvernement est composé du Premier ministre, chef du gouvernement et des ministres.Mais l’on sait pertinemment que les Secrétaires d’Etat comme en France sont membres du gouvernement et peuvent siéger au conseil des ministres si un point de l’ordre du jourconcerne leurs attributions.
A voir de près l’inflation des différents ministères du gouvernement dirigé par Mouhamed Dionne, on se rend compte que cela procède d’un « tong-tong » bassement partageur. Ainsi pour satisfaire les alliés, les amis, les proches et la cour familiale, le président de la République a dû saucissonner des départements ministériels.Mais la plupart des portefeuilles distribués par Macky Sall sont inutiles. Ils pèseront sur le budget de l’Etat toujours déficitaire. En fait, ce Macky III boursouflé et exubérant pèche par sa surcharge pondérale. Même avec les décrets de répartition, certains membres du gouvernement empiéteront sur les compétences de leurs collègues.Si  la gouvernance sobre et vertueuse était toujours d’actualité, son inventeur n’aurait pas saucissonné un gouvernement qui aurait pu en compter une seule vingtaine en une quarantaine de ministères !
Incohérence dans la répartition des portefeuilles
Comment comprendre que le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Fonction publique soit éclaté en trois ministères ? Comment comprendre que l’Education, la Formation professionnelle et l’Enseignement supérieur et la Recherche soient sectionnés en trois ministères ? ce alors qu’ils auraient pu en constituer un seul. Et que dire de ce ministre délégué chargé de la Restructuration et de la Requalification des banlieues alors que l’Aménagement du Territoire prend cette question en charge dans le décret de répartition des services ? On pourrait se poser la même question concernant le ministre délégué chargé de la Micro-finance et de l’Economie solidaire. On sait que le ministère de la Femme s’occupe  plus particulièrement des financements accordés aux femmes. Le dépouiller d’une telle attribution, c’est quasiment faire de ce département une coquille vide. Pourquoi séparer la jeunesse et les sports ? Le ministère de la Promotion des investissements, des partenariats revient au ministère des Finances. La bonne gouvernance ne devrait plus être érigée en ministère. Une haute autorité aurait suffi. Le Nepad, quand on sait que les présidents africains n’y croient même pas, devrait disparaître des tablettes du président. Le Secrétaire d’Etat à l’Accompagnement et à la Mutualisation des Organisations Paysannes n’a aucun sens. L’expérience malheureuse du président Wade est là quand il a voulu faire des organisations une spécificité syndicale. Diène Faye, qui a blanchi sous le harnais de l’hydraulique, devrait occuper pleinement le ministère attribué au beau-frère du président Macky Sall, Mansour Faye. Mais si ce département lui a été attribué, c’est parce qu’il doit gérer un pactole de 118 milliards accordés par la Banque mondiale pour revitaliser le secteur de l’eau. Le Secrétariat d’Etat à la Communication gère en réalité la communication présidentielle. Celui qui y était préposé est éjecté hors du palais pour s’occuper des Sénégalais de l’extérieur. Ce qui est une aberration puisqu’il existe une direction des Sénégalais de l’extérieur dirigée brillamment par Sory Kaba. Le Secrétariat d’Etat à l’Alphabétisation et à la Promotion des langues nationales est une simple direction du ministère de l’Education qui souffre de sa séparation avec l’Enseignement supérieur, la Recherche et la Formation professionnelle. Comment peut-on parler de secrétariat d’Etat au réseau ferroviaire national au moment où le rail n’existe plus dans notre réseau de transport ? C’est donc dire que les Secrétariats d’Etat et deux des trois ministères délégués n’ont pas leurs raisons de figurer dans notre architecture ministérielle. A cela s’ajoutent plusieurs ministères dépecés en micro-départementsavec des appellations superflues voire grotesques. Si réellement le président Macky Sallvoulait que l’appel au travail de son Premier ministre ait un écho favorable auprès de la population active ou chômeur, il aurait dû lancer un signal fort en regroupant la trentaine de ministères en vingt ministères très opérationnels. Mais quand on se soucie de sa cour, de ses amis ou de ceux de sa femme, de sa famille ou belle-famille, on risque de saucissonner comme un gâteau à partager le gouvernement en plusieurs morceaux pour faire goûter tout le monde. Malheureusement, c’est l’image à laquelle renvoie ce gouvernement de Mouhammed Dionne que l’on croyait d’attaque. Plutôt qu’un appel au travail, c’est une invite au festin des hyènes. Nous sommes loin du gouvernement sobre avec cette palanquée de départements ministériels. Nous sommes loin du gouvernement vertueux parce que les raisons qui ont présidé à la parcellisation de l’actuel gouvernement sont sises sur des critères affectifs, familiaux, partisans mais non « compétenciels ». La patrie avant le parti a disparu au profit de la boulimie des alliés, de la famille, de la valetaille présidentielle. Ainsi l’âme qui donnait vie et vigueur aux slogans présidentiels de campagne s’est littéralement désincarnée face au réalisme du pouvoir.
Makhtar Cissé dircab du président Sall : un gâchis
C’est ici le lieu de marquer notre divergence par rapport à mes collaborateurs Mamadou Oumar Ndiaye et Pape Ndiaye qui s’extasiaient de la nomination de Mamadou Makhtar Cissé au poste de directeur de cabinet du président de la République. Nous considérons que c’est un gâchis, parce que l’homme très imprégné des questions économiques et fiscales serait plus utile au Budget ou même aux Finances. Ou bien au poste de Secrétaire général de la présidence qui, dans l’organigramme de la présidence, est le plus est le plus proche collaborateur du président de la République. C’est un fin stratège qui dirige l’ensemble des conseillers du président et veille sur les domaines de souveraineté du Président tels que la défense, la sécurité et les Affaires étrangères. Dans nos régimes, on sait que le directeur de cabinet, de prime abord, très politique,est un missi dominici qui dirige, organise le travail des différents membres du cabinet mais est l’archétype du « sicaire » politique.Ce qui détonne avec le profil sérieux de l’homme révulsant la politique de Machiavel.
Serigne Saliou GUEYE
Article paru dans « Le Témoin N° 1173 » –Hebdomadaire Sénégalais ( Juillet 2014)
 
 
Samedi 19 Juillet 2014




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