Barcelone : chronique d’une fin de cycle annoncée

Alors qu’un Barça fragilisé n’a plus que la Coupe du Roi pour sauver sa saison, il convient de comparer la chute de l’empire catalan à l’effondrement des Galactiques.


Barcelone : chronique d’une fin de cycle annoncée
Toutes les grandes religions font état dans leurs écrits de signes annonciateurs de la fin des temps. Le football, culte polythéiste qui compte plusieurs dieux pour des millions d’adeptes, n’échappe pas à ce dogme. La chute des Galactiques, grande équipe du  Real Madrid des années 2000, occupe ainsi une grande place dans la mythologie footballistique. Alors que le Barça semble préparer avec une étrange minutie sa petite apocalypse personnelle, force est de constater que le navire catalan s’est échoué sur les mêmes écueils que le grand vaisseau blanc. Car le football est cyclique.
Coup de pied au culte
Les Galactiques. Une équipe de stars, des Ballons d’Or à foison. Mais aussi, une idée. Celle d’un football onirique, d’un football audacieux, le pari de marquer un but de plus que l’adversaire et ce, quel que soit le score. Le spectacle, au détriment de l’équilibre. Et la chute, forcément inexorable. Si le Barça, avec ses jeunes intégrés à l’équipe première, son jeu réglé comme du papier à musique et ses principes ludiques harmonieux semble l’antithèse des stars madrilènes, le club catalan esquisse son effondrement avec les mêmes contours alarmants. Des contours de plus en plus nets.

La première prophétie annonciatrice du désastre a été le départ du guide. Celui de Del Bosque au Real et de Guardiola au Barça. Les deux hommes partagent la particularité d’avoir été au service de leurs clubs depuis l’enfance. Tous deux ont peu goûté l’ingérence de leur hiérarchie dans les affaires du terrain. Tous deux ont réalisé des miracles propres à leur statut de guides avant de devoir faire face à des décisions iniques et leurs départs respectifs ont posé les premiers jalons de la ruine de leurs entités. Dire que leurs successeurs respectifs n‘ont pas été à la hauteur du legs relève de l’euphémisme le plus candide.
En guise de passage de témoins, les innombrables héritiers de ces grands bergers ont été des témoins de passage. Des passages très courts à chaque fois, pour des erreurs de casting souvent flagrantes. Or, comme toutes les religions l’ont narré, un peuple sans guide coure à a perte. Pas besoin d’être une Cassandre ou un oracle pour corréler l’absence de défenseurs au Barça à la négligence galactique si notoire dans ce secteur de jeu. Concentré sur ses onéreuses recrues offensives, Florentino Pérez avait laissé l’arrière-garde du Real à l’abandon, lançant de jeunes Canteranos  en équipe première comme on lancerait des paquebots sur des icebergs (Pavon, Mejia, Ruben Gonzalez Rocha, Raul Bravo…) ou reconvertissant des milieux de terrain en défenseurs (Helguera) avec une réussite que l’on qualifierait de très mitigée. Exactement comme le Barça de 2014, qui a aligné deux milieux dans sa charnière lors de sa défaite à Grenade et qui peine à recruter un défenseur central depuis plusieurs saisons. Les quelques tentatives maladroites pour remédier à cette carence ont lamentablement échoué que soit dans la capitale ou en Catalogne. Les Woodgate, Samuel ou Chygrinski peuvent en attester.

Les sagas madrilènes et catalanes se rejoignent sur un autre point. Le Barça  et le Real ont tous deux péché par orgueil, voire par gourmandise, s’offrant la vedette de trop. Pour le Real, c’était Beckham. Arrivé avec une place de titulaire sous contrat et un entraîneur (le très médiocre Carlos Queiroz, alors adjoint à Manchester United) sous le bras, l’Anglais a posé le dernier clou dans le cercueil en marbre blanc du Real galactique. Reconverti milieu défensif à cause de l’embouteillage dans les postes offensifs, causant le départ de Makelele et détruisant par sa seule présence dans le onze l’équilibre de l’équipe, Beckham, s’il a été professionnel jusqu’au bout et qu’on ne peut pas vraiment le blâmer, aura grandement œuvré à la ruine des Galactiques.


Comme Beckham, Neymar a été acheté au détriment d’un (ou de deux) défenseur. Comme le Golden Boy anglais, son statut spécial et son salaire hypertrophié ont généré de la frustration dans le vestiaire, forcément traduite  sur le terrain. Comme tout Frankenstein qui se respecte, les deux créations (marketing) ont fini par causer la perte de leurs géniteurs, explosant à la figure de Rosell et causant l’inexorable chute de Pérez.
Autre similitude prégnante dans la destinée de ces deux grandes équipes, la baisse manifeste de performance des cadres. A partir de la saison 2004-2005, Figo, Zidane, Roberto Carlos ou même Raul ne sont plus aussi tranchants.
Cette saison, si les prestations de Messi sont nettement en deçà de son rendement habituel, on peut également noter un Iniesta qui n’a vraiment débuté sa saison que fin décembre (à l’inverse de Fabregas, qui a progressivement disparu de la circulation après une bonne entame), Xavi a été régulier mais jamais décisif quant à Neymar, on peut légitimement supposer que la controverse générée par son transfert a négativement impacté ses performances.


Ironiquement, le Real  d’aujourd’hui a sans doute la possibilité de mettre fin au cycle du Barça interrompre le cercle vertueux de la grande équipe de Guardiola, de La Masia et de Messi. Pour y parvenir, il lui suffit de remporter la finale de la Coupe du Roi. Une petite poussette pour précipiter le rival dans les abîmes douloureux et sombres de la reconstruction. Madrid se retrouve dans le rôle du Real Saragosse, qui en battant les Galactiques en finale de Copa Del Rey 2004, a lancé le rêve de Florentino Pérez sur une pente qui allait s’avérer fatale. Ce soir, c’est au tour du grand Barça de jouer le dos au précipice. Car oui, le football est cyclique.
HOCINE HARZOUNE     
 
Mercredi 16 Avril 2014




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