Bakary sambe à l'Agence Anadolu (Turquie) : "La guerre régionale contre Boko Haram sera de longue haleine"

L’expert sénégalais des mouvements extrémistes, Bakary Sambe, analyse dans un entretien avec Anadolu.


Bakary sambe à l'Agence Anadolu (Turquie) :  "La guerre régionale contre Boko Haram sera de longue haleine"
« Pour diverses raisons, la guerre de la coalition africaine contre le groupe armé nigérian pourrait prendre plus de temps qu’il n’est prévu »,  analyse l’expert sénégalais des mouvements extrémistes, Bakary Sambe, dans un entretien par téléphone avec Anadolu.

Ce constat prend racine à la fois dans les références culturelles du groupe armé nigérian ainsi que dans la réalité économique et sociale des pays touchés par ses exactions et ramifications, selon l'expert des groupes extrémistes et chercheur au Think Tank de Timbuktu,

Boko Haram ne se voit pas en dehors de la région du Lac Tchad et le cordon ombilical qui le lie à cette zone est très fort. De ce point de vue, le chercheur fait observer que le leader actuel de Boko HaramBubakar Shekau suit la même trajectoire que celle du fondateur nigérian du groupe Mohamed Youssef (1970-2009), pour qui les régions du Lac Tchad étaient une extension naturelle, géographique et culturelle de l’Etat de Borno (nord nigérian).

Boko Haram reste, soutient M.Sambe, la manifestation d’un extrémisme africain se nourrissant beaucoup plus de l’imaginaire de Sokoto, empire créé au XIXe, dans le nord du Nigéria par Usman Dan Fodio que des théories d’Al Baghdâdî (EIIL).

Ecrivain et homme d’Etat peul d'origine nigérienne, Dan Fodio (1754-1818) plaidait pour un Etat regroupant les régions du Lac Tchad et ayant pour axe central  « une société idéale, libre de l'oppression et de la perversion ».

Toutes ses attaches culturelles pousseraient Boko Haram à défendre tout feu tout flamme le bassin du Lac Tchad, comme étant une propriété naturelle et légitime, fait observer l’analyste.

Des entraînements de combattants dans le cadre d’une coopération avec le reste des groupes extrémistes, dont l’EIIL qui partagent les mêmes orientations, sur le continent et au-delà, régénéreront Boko Haram pour devenir plus aguerri après des moments de faiblesse dus aux frappes de la coalition africaine, suppose le chercheur.

Sur un autre plan, le chercheur avance que Boko Haram saura se relever, tant que ses ressources ne se seront pas taries ou asséchées. « La paupérisation aggravée de certaines franges de la population, la marginalisation poussée de jeunes désœuvrés dans les pays concernés sont parmi les facteurs explicatifs de la radicalisation. Mais la source principale se trouve dans l’affaiblissement des Etats sahéliens à partir des sécheresses des années 1970 suivies des politiques drastiques dites d’ajustement structurels », détaille M.Sambe.

Lesquelles politiques drastiques avaient porté un coup dur aux secteurs de l’éducation, de la santé du travail social. Ce sont ces secteurs que Boko Haram investit, selon lui, pour le recrutement et l’embrigadement de jeunes « en proie au désespoir ».

Si Boko Haram s’est mué d’un problème originellement nigérian à une menace régionale, c’est en raison de l’absence des Etats dans plusieurs régions déshéritées et marginalisées, note l’analyste.

Ajoutant, au demeurant, son grain de sel, M.Sambe fait remarquer que l’on sera sur le même scénario que lors de la crise malienne. « La question logistique et celle du financement d’une opération militaire qui ne sera pas une promenade de santé contre Boko Haram,  se posera malheureusement à terme et l’on sera obligé de recourir à un mandat onusien avec une coalition internationale sans que les instances africaines puissent peser sur les grandes orientations à cause de leurs divisions et des querelles de leadership dans la sous-région », conclut-il.

Source : http://www.aa.com.tr/fr/afrique/504757--la-guerre-regionale-contre-boko-haram-peut-etre-quot-beaucoup-plus-longue-que-prevu-quot-analyste
Mercredi 6 Mai 2015




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