Avantages aux députés, indus ou légitimes ? les parlementaires désavouent Déthié et Sonko et réclament plus de considération...


La sortie du député Déthié Fall dimanche dernier a mis le feu au Parlement. Les avantages des députés considérés comme disproportionnés sont passés par là. Avant lui, le premier à annoncer avoir renoncé à des avantages reste le leader de Pastef-Les Patriotes, Ousmane Sonko. Le désormais leader du PRP, a lui aussi fait cette annonce lors de son grand oral de présentation de son nouveau parti politique. 
Pour se faire une idée sur le caractère indû ou pas de leurs avantages, quoi de mieux que d’interroger…les députés eux-mêmes. Ceux qui ont accepté de nous livrer leurs analyses et versions des faits, se sont offusqués de la sortie de l’ex numéro 2 de Rewmi, mais tous dans le plus grand anonymat.
 
 
 
Les avantages sont des salaires que les députés reçoivent mensuellement. Ils sont politiques et font des actions sociales, accompagnent financièrement les populations dans les quartiers, ils font beaucoup de social destiné à des voisins, parents et autres nécessiteux, à des communautés qui sollicitent leurs concours et le font sans bruit ni trompette, nous ont confié des parlementaires au bout du fil. Selon l’un de nos interlocuteurs, les députés qui parlent de leur renoncement ne le font pas gratuitement ni généreusement, s’exclame un parlementaire. « Les gens investissent des centaines de millions sur les citoyens sans faire de bruit et sans  trompette. C’est des hommes politiques qui jouent avec certaines considérations », dira t’il. Il poursuit en disant qu’au Sénégal, le salaire est sacré et personne n’en parle à plus forte raison dire comment l’utiliser.
 
 
L’utilisation des 1000 litres octroyés par mois
 
« Le carburant reçu » nous dit un autre parlementaire, « on le donne à des ambulances, on le donne à des amis, parents ou sympathisants qui emmènent des corps de leurs proches décédés surtout ceux qui habitent dans les localités lointaines du pays comme Kédougou, Casamance, Fouta ou même vers Kidira (chaque fois qu’il y a décès, on demande toujours où est le député. Il est le seul dont la présence est toujours sollicitée), … au quartier, les proches qui ont des soucis, viennent demander du carburant pour les cérémonies religieuses et autres besoins »,  disent en chœur d’autres parlementaires. Les députés reçoivent un bon d’essence de 1000l/mois. Les parlementaires interrogés soutiennent que ce carburant est partagé non seulement avec les voisins du quartier mais aussi avec les camarades de parti sans pour autant oublier les longs déplacements que font les députés qui habitent dans les profondeurs du pays à la rencontre de la base. En plus, quand l’hôpital manque de carburant, c’est le député qui est sollicité. Le député contribue en carburant dans les activités de son parti politique. Tout ceci est lié à la configuration de la société. Malheureusement, le député est traîné dans la boue sans rien comprendre.
 
 « Nous sommes les plus mal payés de la sous-région voire de l’Afrique »
 
Les parlementaires interrogés sont d’avis que leurs camarades (Ousmane Sonko et Déthié Fall, NDLR) qui ont évoqué certains avantages perçus par les députés « l’ont fait pour des raisons politiciennes ». « Et ce que les gens ne comprennent pas », nous révèle un autre parlementaire qui détaille sa pensée, « les députés peuvent se lever un jour et voter une loi pour dire qu’ils vont doubler leur salaire parce qu’ils sont autonomes ». Selon lui en outre, le constat est que dans la sous-région, les députés du Sénégal sont moins bien payés que leurs collègues des autres nations. « Nous sommes les plus mal payés de la sous-région voire de l’Afrique.  »
 
Le point sur les 250 mètres-carrés offerts par l’État et dénoncés par Déthié Fall
 
« Chaque législature, l’État donne un terrain aux députés. C’est un avantage au même titre que ceux reçus par les douaniers, les inspecteurs des impôts et domaines et autres fonctionnaires de l’État. Malheureusement, seuls les avantages des députés sont mis sur la place publique et ce sont les parlementaires qui sont traînés dans la boue. Dans la logique de sécuriser le député, ce dernier ne devrait pas être laissé vulnérable. Car il pourrait être l’objet de tentative de corruption d’un quelconque bailleur de fonds avec des pots de vin pour voter une loi en sa faveur », diront-ils. « Khalifa Sall et tous les autres responsables des régimes qui se sont succédés ont eu des terrains acquis lorsqu’ils étaient députés. C’est la loi qui le dit. Ces terrains permettront aux députés en exercice d’avoir une maison où mettre leur famille… et donc « pourquoi les gens ne s’offusquent pas quand le président donne des hectares ou offre des maisons aux sportifs… » s’étranglent nos interlocuteurs.
 
 
Les salaires des parlementaires et la pression sociale
 
« Vous voyez un directeur général recevoir plus qu’un député. Ce qui signifie que les députés ont bon dos. Aucun député ne reçoit plus de deux millions », souligne ce parlementaire membre du bureau de l'Assemblée nationale qui révèle recevoir près de deux millions/mois. Les présidents de commission eux perçoivent jusqu'à 1.600.000 f. 
 
« Les députés ont participé qu’ils le disent ou pas à l’effort de guerre contre la pandémie à coronavirus. Qu’ils le médiatisent ou pas, ils ont acheté des gels alcoolisés, des masques, font  d’autres dons en nourriture et en espèces pour accompagner les populations de leurs contrées. Pendant les fêtes religieuses, le parlementaire est encore sollicité. Il y a des députés qui prêtent leur véhicule pour des déplacements à l’intérieur du pays pour diverses raisons. Et quand il y a évacuation à l’hôpital d’un malade, c’est le député qui est sollicité pour lui emprunter son véhicule, les ordonnances, les problèmes de loyer. Les députés ont des difficultés énormes face à la pression sociale … »
 
 « Les membres du bureau de l’assemblée nationale doivent être traités à la même enseigne que les ministres …qui perçoivent deux fois plus qu’eux »
 
L’autre point, finit par faire remarquer notre interlocuteur, « un ministre a un garde du corps alors que le député ne l’a pas. Il est accessible contrairement au ministre qui est gardé et quand il faut le voir, il faut une audience. Dans la réglementation, on dit que les membres du bureau de l’Assemblée nationale doivent être traités à la même enseigne que les ministres sur le plan protocolaire et malheureusement, les ministres perçoivent deux fois plus qu’eux. Et le ministre quand il défend son budget, il est accompagné de tout son cabinet et que le député n’a personne autour de lui alors qu’il s’intéresse à plusieurs domaines sans apport intellectuel ni technique. Les gens font un mauvais procès au député », finira-t-il par nous dire.
Mardi 30 Mars 2021




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