Après l'importation du virus Ebola par un jeune guinéen : Comment Sandiniéry vit la stigmatisation

Un malheur ne vient jamais seul. L’épidémie d’Ebola ravage la Guinée et les ressortissants de ce pays au Sénégal sont parfois victimes de stigmatisation. Un tour au marché Sandiniéry a permis à EnQuête d’en avoir une idée.


Après l'importation du virus Ebola par un jeune guinéen : Comment Sandiniéry vit la stigmatisation

‘’L’humiliation ne tue pas, mais cela déstabilise’’. Ces propos sont tenus par Mamadou Diouma BA, propriétaire d’un étal au marché Sandiniéry. La trentaine en bandoulière, ce monsieur né au Sénégal se dit victime de la stigmatisation que vit la communauté guinéenne depuis la révélation du premier cas d’Ebola importé par un jeune étudiant guinéen. Il raconte : ‘’ je ne prends plus les ‘’cars-rapides’’,  bus TATA et autres transports en commun. 

Les gens nous minimisent et vont même jusqu’à prononcer des insultes. Même les chauffeurs de taxi participent à ce lynchage qui peut tourner parfois à des railleries, notamment avec les enfants’’. Mamadou Diouma Ba de confier que même dans son quartier à la  Médina, il n’est pas épargné par ces discours incendiaires. ‘’Pis, des personnes, loin d’être plus propres ou plus civilisées que nous, nous prennent pour des pestiférés, soutenant que nous sommes les propagateurs du virus’’, geint-il, tout en priant pour que tout cela s’arrête et que le virus quitte le continent africain.

Un témoignage de ce genre n’est pas évident actuellement au marché Sandiniéry où la plupart des vendeurs sont des ressortissants guinéens. Tout sujet est abordable dans la zone sauf celui concernant Ebola. Trouvé en train de ranger des caisses de boisson, ce boutiquier établi à l’allée de Sandiniéry décline poliment toute discussion concernant le virus Ebola. Dans les étals à côté, même son de cloche ! Et même si l’on accepte d’en parler, c’est avec plein d’hésitation. L’on ne ressent pas la stigmatisation ici ‘’, martèle Mamadou Barry, vendeur de fruits.

Toutefois, dans cette ‘’Guinée en miniature’’, où chariots, voitures et passants se disputent la chaussée, l’on trouve certains qui acceptent de s’épancher sur le sujet. C’est le cas de ce vendeur de café, trouvé en train de faire ses ablutions pour la prière de 17 heures. Très loquace, avec un Ouolof de baol-baol, Thierno Safahirou explique que même s’il n’a pas vécu des situations de stigmatisation là où il a son chariot à café, il  n’empêche que partout où il passe, il entend dire que ce sont les Guinéens qui ont amené le virus au Sénégal. Comme anecdote, il révèle qu’il y a deux jours, il est parti prendre son petit-déjeuner dans une gargote. Une fois chez la restauratrice, dit-il, des clients lui ont demandé de se mettre à côté en attendant qu’ils finissent. Pour lui, certains le font par simple haine de leur communauté. ‘’Mais l’essentiel, c’est de savoir supporter’’, fulmine-t-il.

A cause d’Ebola, la marchandise se fait rare, les prix flambent

Avocat, banane plantain, goyave, banane, pomme, orange…, c’est le décor de l’allée Sandiniéry. L’odeur de fruit fait saliver. Pourtant, certains fruits commencent à se faire rares. L’essentiel des marchandises viennent de la Guinée, de la Côte d’Ivoire et du Mali. Cela impacte sûrement dans le commerce. Et pour s’en rendre compte, il faut aller au marché syndicat où à Diaobé, des marchés qui s’approvisionnent essentiellement à partir de la Guinée, souligne Mamadou Ba.

Ainsi, pour ce dernier, la majeure partie des fruits qu’ils vendent viennent du pays de Sékou Touré. Et depuis la fermeture des frontières, leur business ne marche plus comme avant. En plus, ce n’est plus le rush chez eux et certains clients demandent souvent le lieu de provenance de la marchandise avant d’acheter. Pourtant, Monsieur Ba renseigne qu’actuellement, ils ne vendent plus de marchandise venant de la Guinée et qu’ils s’approvisionnent en Côte-d’Ivoire.

 ‘’Tout ce qui est rare est cher‘’, a-t-on coutume de dire. La fermeture de la frontière a fait grimper certains prix. Il en est ainsi du prix de l’avocat qui, avant, coûtait 600 F CFA le kilo et est maintenant à 1400, 1500 voire 1600 FCFA. La banane plantain, de 600 ou 700 F CFA le kilo est passée à 850 voire 900 F. Quant à la goyave, dont le prix était fixé à 500 F CFA, on est aujourd’hui à 1000 voire 1500 F CFA. Pour ce qui est de la goyave, un jeune vendeur explique qu’on la trouve rarement.

Malgré ces cas isolés de stigmatisation et de propos incongrus, les Sénégalais gardent toujours de bons rapports avec la communauté guinéenne, estime un vendeur de café. Pour dire que la Teranga sénégalaise n’est pas encore morte et enterrée.

EnQuête
Mercredi 3 Septembre 2014




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