Appel du pays au Pays : Parlons du Sénégal!


Appel du pays au Pays : Parlons du Sénégal!
Il nous faut très lucidement le constater et le dire sans ambages : notre pays, le Sénégal, peine toujours à trouver une trajectoire ascendante, rectiligne et constante.
Notre Peuple aura, semble-t-il, tout essayé depuis notre accession à la souveraineté internationale il y a cinquante-quatre ans : Quarante années de socialisme africain, douze années de libéralisme travailliste, et deux ans d’une seconde alternance, qui n’a pas encore défini sa nature, mais dont les principaux animateurs sortent de l’école libérale sénégalaise.

En dépit de l’activisme débordant de la classe politique de notre pays, et de l’habileté des quelques leaders qui l’animent depuis des dizaines d’années, le Sénégal n’a pas encore trouvé une locomotive puissante capable de le tirer vers les ambitions supérieures qu’autorise la qualité de ses ressources humaines. La pollution croissante du débat public, investi par certains acteurs qui confondent logomachie et discours politique, invectives et débats, contribue à décourager la majorité des sénégalais dont le désintérêt progressif pour l’activité politicienne est attestée par les forts taux d’abstention notés lors des différents scrutins.

Cette tendance est lourde de dangers. En effet, lorsque les citoyens perdent confiance, tournant le dos aux acteurs et aux mécanismes d’accès et de transmission du Pouvoir par les voies démocratiques, la porte est ouverte à toutes les aventures… Il est donc largement temps de s’interroger, en profondeur, puis de faire preuve d’imagination, de courage et surtout de générosité pour conjurer la montée des périls et restaurer une certaine Dignité à l’action politique.

‘’L’action politique, à certaines heures, est comme le scalpel du chirurgien, elle ne laisse pas de place à l’incertitude’’ a dit François Mitterrand, homme politique de grande expérience. Pour dire qu’il est des moments ou l’action politique ne doit pas se laisser guider par l’émotion. Et surtout pas par la colère ou le dépit ! Sous ce rapport et, en raison des situations complexes que traverse notre pays, il est urgent de créer les conditions d’un dialogue sincère et fondateur d’une Concorde Nationale telle que rêvée, et maintes fois réclamée, par un fils illustre du Sénégal Serigne Abdoul Aziz SY Dabakh. Qui ne se souvient de ses appels, à arracher les larmes de toute notre Nation, afin que nous trouvions dans notre for intérieur les ressources spirituelles et morales, sociales et familiales, pour contenir les dérives et les dangers susceptibles de remettre en cause la paix et l’harmonie sociales que d’aucuns nous envient ? Il nous manque Dabakh…

Mais sa voix résonne encore dans le cœur de chacun d’entre nous. Sa voix est encore audible par la magie des archives sonores disponibles partout. Qui ne se souvient de son appel de 1988, au plus fort de la crise politique et universitaire, lorsqu’il obtint, au prix de ses larmes, l’arrêt d’une grève de la faim des étudiants de l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (UCAD) ? Aujourd’hui, vingt-six ans après, la situation de l’UCAD a empiré ! La situation politique est tendue. La situation économique s’en ressent. Les périls sanitaires sont à nos portes…

De fait, la situation sociale est explosive. Qui peut ignorer tous les foyers de tensions, multiples et multiformes qui peuvent, à tout moment, constituer l’étincelle qui pourrait mettre le feu aux poudres ? A Dieu ne plaise ! Il est donc plus que temps de prendre conscience de la fragilité de l’exception sénégalaise qui nous est si chère. Il est temps de retrouver le souffle de Dabakh pour inventer une voie originale de sortie de la crise actuelle au prix de sacrifices à consentir, par les uns et par les autres, pour le Sénégal.

C’est le 14 septembre 1997 que Serigne Abdoul Aziz SY Dabakh a été rappelé à Dieu. Saisissons l’occasion de la célébration du dix-septième anniversaire de son départ pour avoir une pensée forte pour les valeurs qu’il incarnat. Par-delà les intérêts individuels et partisans, mettons en perspective l’avenir de notre pays et celui de notre Nation. Renouons les fils du dialogue social et politique en lieu et place des monologues parallèles. Créons les conditions d’une Concorde Nationale sur la base d’une charte de convergence sur les priorités économiques et sociales et les voies et moyens de les atteindre. Appelons tous les sénégalais, épris de Paix et soucieux de l’Avenir du Sénégal au sein d’une Afrique Nouvelle, décomplexée et conquérante, à se mobiliser pour inventer une autre manière de faire de la Politique. Il est largement temps de mobiliser toutes nos énergies pour concevoir une plateforme, la plus large possible, d’un dialogue politique et social inclusif.
Comme citoyen, en quête d’un avenir radieux pour notre pays, je lance un appel pressant et urgent, notamment à tous ceux qui, ayant consacré toute leur vie à le construire, jouissent d’une retraite bien méritée ou s’occupent de leurs propres affaires: le pays a besoin de votre sérénité, de votre expérience et surtout de votre sagesse pour éclairer ses pas hésitants dans les ténèbres. A tous ces ‘’vieux sénégalais’’ anonymes, hommes et femmes d’expérience, dont les qualités intellectuelles, professionnelles et morales sont reconnues, je demande, du fond de mon cœur de sortir de leur léthargie car la jeunesse de notre pays a grandement besoin de leur veille et de leur guidance. Pour le Pays, ressaisissons-nous avant qu’il ne soit trop tard et que la graine ne meurt!

Amadou Tidiane WONE,
Ancien Ministre, Ancien Ambassadeur
Samedi 13 Septembre 2014




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