Ambitieux Plan Marshall de Noel K. Tshiani pour la RDC


Ambitieux Plan Marshall de Noel K. Tshiani pour la RDC
À l’approche des élections présidentielles qui doivent avoir lieu en novembre 2016, en République démocratique du Congo (RDC), ils sont très peu des candidats potentiels qui, ambitionnant l’accession à la magistrature suprême, ont dévoilé de projets de société cohérents pour le développement du pays, et par-dessus tout, l’amélioration des conditions de vie des populations.

Lors de son passage à Ottawa, Noël K. Tshiani Muadiamvita, économiste chevronné et haut fonctionnaire à la Banque mondiale à Washington, a présenté sa vision de développement sous forme d’un « Plan Marshall pour la RDC ». Nous l’avons approché pour en savoir un peu plus afin d’évaluer le réalisme et la faisabilité de son projet.

De quoi s'agit-il au juste?

Dr Tshiani a fait un constat selon lequel la RDC a, depuis son accession à l'indépendance en 1960, vécu de longues années de stagnation économique et d'instabilité politique permanente. Les infrastructures de base sont très peu développées. Celles qui existaient à l'accession du pays à l'indépendance, notamment les routes, les ports, les aéroports, les voies ferrées, les hôpitaux, les écoles et les marchés publics sont aujourd’hui dans un état de délabrement total. La situation socio-économique qui en résulte est catastrophique. Environ 10 % de la population seulement ont accès à l’eau potable et à l’électricité, et ce, essentiellement dans le milieu urbain. Le taux de chômage avoisine les 80 % de la population active. Le PIB par habitant est de 394 $ US en 2015. Le pays est classé parmi les derniers selon l’Indice de développement humain du Programme de Nations Unies pour le développement.

En plus de la précarité économique et de la vulnérabilité sociale, l’insécurité est largement ressentie sur l'ensemble du territoire national. Les libertés individuelles sont bafouées et les droits humains ne sont pas respectés. Il n’existe ni une justice indépendante, ni une administration publique fonctionnelle. Les conditions préalables au développement socio-économique d’un pays ne sont quasiment pas réunies.

Comme conclusion, Dr. Tshiani estime que le modèle de développement qui a été adopté et poursuivi par la RDC au cours de ces cinq dernières décennies a échoué. Pour changer le destin du pays et de sa population, Dr. Tshiani propose d’adopter un nouveau modèle de développement sous forme d’un « Plan Marshall » s’échelonnant sur 15 ans. Ce plan qui est désormais connu comme étant «  Le Plan Marshall de Noel K. Tshiani pour la RDC » nécessiterait  800 milliards $ US pour aider à la reconstruction et au redressement économique du pays  après deux décennies de guerre et conflits armés qui ont fait plus de huit millions de morts.

L’initiateur du Plan croit fermement que son projet réussirait avec la mobilisation de toutes les énergies, les ressources du pays et une forte appropriation nationale. La réussite créerait une croissance économique inclusive profitable à tous les congolais et augmenterait le PIB par habitant actuellement de 394 $ US à 15.000 $ US dans 15 ans.

L’ambitieux Plan Marshall de Noel K. Tshiani pour la RDC s’articule autour de huit piliers : (1) investir dans les ressources humaines en mettant l’accent sur l’éducation, la santé et l’autosuffisance alimentaire; (2) promouvoir la paix, la sécurité, l’État de droit et la démocratie; (3) promouvoir l’émergence de la finance nationale; (4) promouvoir l’émergence d’un secteur privé national responsable; (5) favoriser la réalisation de grands travaux d’infrastructures à haute intensité de main-d’œuvre; (6) favoriser et accélérer l’industrialisation du pays par la transformation locale des minerais, la mécanisation de l’agriculture, de l’élevage et de la pèche, la mise en valeur planifiée et ordonnée des forêts, et l’éclosion du secteur tertiaire, y inclus le tourisme; (7) créer des synergies entre le marché intérieur et l’intégration régionale; et enfin (8) mobiliser les ressources humaines et financières pour mettre en œuvre les différents piliers du plan. Un plan certes ambitieux pour redresser un pays qui regorge d’immenses ressources naturelles mais dont la grande majorité de sa population vit dans la pauvreté absolue.

Avec quelles ressources mettre en œuvre ce plan?

Le pays aura besoin de ressources financières et humaines importantes pour une bonne exécution du plan. L’initiateur est conscient que la reconstruction de la RDC ne sera pas l’œuvre d’une poignée de personnes, mais de tous les Congolais. Il compte sur les Congolais de l’intérieur et ceux de la diaspora.  « Le peuple congolais dans son ensemble doit prendre son destin en mains. Personne ne viendra nous faire cadeau pour le développement de notre pays ». Il est important que les Congolais comprennent qu’ils doivent compter d'abord sur eux-mêmes. Mais étant donné que sa stratégie reposera en partie sur le secteur privé en tant que principal moteur de la croissance économique, « on devrait, au besoin, faire appel également à l’expertise étrangère », dit-il.

Le coût total pour la mise en œuvre de ce « Plan Marshall » est estimé à 800 milliards $ US sur 15 ans. Cette  somme pourra être mobilisée sur une combinaison des ressources intérieures, des contributions des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux et du secteur privé sous forme d’investissements directs étrangers.

L’initiateur du Plan souligne que la réussite de la mobilisation de ressources financières passe par un leadership politique qui soit crédible et à la hauteur des ambitions de développement du pays. Un leadership politique qui a fait ses preuves de bonne gouvernance des ressources publiques de façon efficace et efficiente. Un leadership politique qui ne sent pas l’odeur de la corruption, de malversations financières ou qui a les mains tachées de sang des Congolais.  

Ayant été lui-même banquier commercial et d'investissement à New York pendant une dizaine d’années avant de se reconvertir en banquier de développement à la Banque mondiale pendant les 25 dernières années, Dr Tshiani se dit un « homme nouveau » qui n’a jamais trempé dans la mauvaise gouvernance dont souffre le pays et la corruption endémique qui a appauvri les congolais. Il voudrait apporter une nouvelle approche et une dynamique novatrice à la RDC en quête de leadership intègre et visionnaire. Il s’estime capable de pouvoir mobiliser les ressources humaines et financières nécessaires pour la mise en œuvre d’un projet colossal au profit du développement de la RDC, un pays qui regorge d’immenses ressources naturelles.

Pour démontrer que la vision de développement grandiose de la RDC est faisable, Dr Tshiani donne l’exemple du Cap Vert, un petit pays sans beaucoup de ressources naturelles, qu’il a accompagné dans la conception et la mise en œuvre de sa stratégie de développement et qui a réussi à augmenter son revenu par tête d'habitant de 400 dollars en 1992 à 4.400 dollars en 2015. « Si le Cap Vert a pu réaliser une telle performance, la RDC, avec ses immenses ressources naturelles et humaines, pourrait certainement faire mieux et vite, si tout le monde se mettait sérieusement au travail », dit-il.

À ses détracteurs qui disent que ce banquier international n’a pas une bonne connaissance des réalités congolaises, il répond que cela est faux, mais constitue néanmoins pour lui un avantage. En effet, dans l’état actuel de la RDC, le pays a besoin d'un leadership intègre, qui n’a pas été mêlé dans la gestion chaotique du pays ; qui vienne avec des nouvelles idées, sans a priori, pour changer la mentalité des hommes et des femmes de ce pays. Il brandit un atout majeur, celui d’avoir eu l’opportunité d’évoluer dans des institutions plus sobres telles que les banques américaines New-Yorkaises et la Banque mondiale à Washington. Il note néanmoins, qu’en tant qu’expert de la Banque mondiale, il avait co-présidé la Commission de réforme monétaire qui avait conçu le Franc congolais (monnaie actuellement utilisée en RDC). Il affirme également que c’est lui qui avait convaincu le feu président Laurent Désiré Kabila à ne pas mettre son effigie sur les billets de banque.

Que peut-on conclure au sujet de ce plan Marshall?

Un plan de développement comme celui présenté par Noel K. Tshiani ne peut qu'être applaudi, dans la mesure où il pourrait offrir des opportunités à la grande majorité de Congolais pour améliorer leur condition de vie. Mais le grand problème de la RDC est celui de la corruption endémique, de l’impunité et des antivaleurs qui sont érigées en système de gestion. Comment et avec qui Dr  Tshiani va-t-il s’y prendre pour réaliser son ambitieux plan Marshall pour la RDC? Quel rôle compte-t-il jouer au pays pendant les 15 prochaines années pour s’assurer de la bonne exécution de son plan Marshall ; et surtout pour mobiliser les ressources nécessaires à  la mise en œuvre de sa vision? Comment va-t-il s’y prendre pour convaincre les congolais, les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, ainsi que les investisseurs privés étrangers du bien-fondé d’une initiative aussi grandiose dont le succès pourrait fondamentalement changer le destin d’un pays aussi vaste et doté de tant des ressources naturelles et d’une population avoisinant les 80 millions?

Toutes ces questions et beaucoup d’autres encore méritent d’être posées, car il y a un risque réel dans la mise en œuvre d’un tel projet prometteur si son initiateur ne jouait pas un rôle prépondérant dans son exécution, le suivi et son évaluation.

Quand on sait que l’année 2016 est une année électorale en RDC, présenter, en cette période, un projet si ambitieux pour la RDC n’est pas fortuite. Il est clair que son initiateur aurait des ambitions présidentielles et que son Plan Marshall ne serait, en réalité, qu’un projet de société qu’il vend au peuple congolais, aux bailleurs de fonds et au secteur privé.

À ce jour, l’intéressé ne s’est pas encore prononcé publiquement sur ses intentions. Toutefois, il multiple des contacts avec les dirigeants des principales formations politiques et les potentiels candidats aux prochaines élections présidentielles en RDC dans le but peut être de rassembler le plus de monde possible autour de sa vision de développement. Wait and see, comme disent les Anglais.

Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue 
Mercredi 18 Novembre 2015




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