Affaire Tapie : la CJR décide d'ouvrir une enquête sur Christine Lagarde.

La procédure portera sur une possible complicité de faux et de détournement de biens publics.


Affaire Tapie : la CJR décide d'ouvrir une enquête sur Christine Lagarde.
La justice française a décidé jeudi d'enquêter sur le rôle joué en 2008 dans l'affaire Tapie/Crédit lyonnais par la nouvelle directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde, à laquelle l'institution a néanmoins renouvelé sa confiance. La commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR) a émis "un avis favorable" à une enquête concernant l'ancienne ministre de l'Économie, a annoncé devant la presse son président Gérard Palisse, à l'issue d'une réunion de plusieurs heures.

La procureure générale près la Cour de cassation par intérim, Cécile Petit, saisira "dans les prochains jours" la commission d'instruction de la CJR, composée de trois magistrats de la Cour de cassation, a aussitôt précisé le parquet général. Celle-ci mènera des investigations pour savoir si l'ex-ministre s'est rendue coupable de "complicité de faux" et "complicité de détournement de biens publics" - passibles de dix ans de prison et 150 000 euros d'amende - lors de la procédure d'arbitrage ayant mis fin en juillet 2008 au conflit entre Bernard Tapie et l'ancienne banque publique Crédit lyonnais, au sujet de la vente d'Adidas en 1993.

Contestation des chefs d'enquête retenus

L'avocat de Mme Lagarde, Me Yves Repiquet, a aussitôt estimé que cette enquête n'était "aucunement incompatible" avec les fonctions actuelles de Mme Lagarde à Washington. Quelques heures plus tard, le FMI lui a renouvelé sa confiance : "Le conseil d'administration est convaincu qu'elle pourra remplir efficacement ses devoirs de directrice générale", a affirmé l'institution dans un communiqué. Lorsque, à la demande de députés socialistes, le procureur général près la Cour de cassation Jean-Louis Nadal, aujourd'hui en retraite, avait saisi la CJR, il ne soupçonnait qu'un éventuel "abus d'autorité", passible de cinq ans de prison et 75 000 euros d'amende.

"Ce ne sera pas la première instruction qui aboutira à un non-lieu", a affirmé Me Repiquet, contestant les chefs d'enquête retenus. Les investigations promettent d'être longues et même si Mme Lagarde était renvoyée devant la CJR, habilitée à juger des faits commis par les ministres dans l'exercice de leurs fonctions, un procès n'aurait probablement pas lieu avant plusieurs années.

285 millions pour Tapie

Le tribunal arbitral, juridiction privée, avait condamné en juillet 2008 le Consortium de réalisation (CDR), structure publique qui gérait le passif du Crédit lyonnais, à verser à Bernard Tapie 285 millions d'euros d'indemnités (400 millions d'euros avec les intérêts), dont 45 millions d'euros au titre du préjudice moral. À l'époque, Bercy avait estimé que l'homme d'affaires ne devrait toucher au bout du compte qu'entre 20 et 50 millions de l'État, en raison de diverses déductions, notamment fiscales. Mais selon certains parlementaires, la somme qu'il a empochée serait de plus de 200 millions d'euros.

Jean-Louis Nadal reprochait à Christine Lagarde d'avoir recouru à cet arbitrage privé alors qu'il s'agissait de deniers publics, d'avoir eu connaissance de la partialité de certains juges arbitres et de ne pas avoir exercé de recours contre cet arbitrage controversé, alors que plusieurs spécialistes l'y avaient encouragée.
Vendredi 5 Août 2011




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