Abdoulaye Elimane Kane analyse ‘’les enjeux des rapports du global et du local’’


Abdoulaye Elimane Kane analyse ‘’les enjeux des rapports du global et du local’’
Le philosophe sénégalais Abdoulaye Elimane Kane a analysé les enjeux des rapports du global et du local, parlant du ‘’système-monde’’, terme qu’il préfère à celui de ‘’mondialisation’’ et ‘’globalisation’’, parce qu’il pose, selon lui, le problème de la place des valeurs culturelles, de la différence et de la diversité.

Kane a traité du thème lors d’un débat organisé vendredi au Centre de recherches ouest-africain (WARC) autour de son roman ‘’La femme-parfum’’, réédité récemment chez L’Harmattan-Sénégal.

‘’Le terme +système-monde+ montre bien qu’il y a la recherche d’une unité systémique dans le contrôle central par rapport à une économie dominante, pour faire en sorte que tout s’aligne précisément sur ce fil directeur, sur le cœur vivant de l’économie’’, a-t-il souligné.

Rapportant cette analyse au roman ‘’La femme-parfum’’, il parle de Kadia qui cherche à faire la conquête des autres marchés du monde en vendant ses robes, du projet de Gaspard partant d’une exposition internationale de tenues, d’ornements, pour montrer leur singularité et leur originalité par rapport à d’autres créations vestimentaires dans le monde.

D’où ‘’la grande question : à partir du moment où un savoir existe, qu’il soit traditionnel ou moderne, faut-il le garder pour soi ou faut-il le partager ? Et dans quelles conditions faut-il partager ?’’

Relevant les ‘’enjeux, intérêts, avantages et difficultés’’ liés à cette entreprise de conquête du monde, Abdoulaye Elimane Kane constate que la mondialisation économique, aujourd’hui, est une mondialisation de fait.

‘’Je crois que ceux qui refusent la mondialisation ne sont pas réalistes à la fois parce qu’elle a des avantages mais parce que c’est une réalité de fait qui s’impose à nous’’, a-t-il dit.

Il souligne que sous cet aspect économique, cette mondialisation recèle ‘’beaucoup de difficultés, de menaces et de peurs’’, faisant remarquer qu’il y a ‘’une coïncidence entre la mondialisation et l’occidentalisation qui sont souvent allées ensemble même si aujourd’hui on ne peut pas dire que le Japon et les dragons d’Asie ne sont pas dans la mouvance mondialiste’’.

‘’Mais initialement, explique le philosophe, lorsqu’on présentait l’impérialisme comme stade suprême du capitalisme, c’est que les deux allaient ensemble. Elles allaient en même temps que la déculturation des autres peuples.’’

Il ajoute : ‘’Tout se passe comme si les différences culturelles, les résistances culturelles sont des obstacles à l’effectivité de la promotion ou de la dominance absolue du modèle capitaliste. On voit comme conséquence les drames que cela entraîne : c’est le nivellement culturel considéré comme obstacle’’.

‘’Quelle chance le local ou l’endogène a-t-il de participer à cette compétition lorsque les canons sont définis au préalable par la mondialisation ?’’, s’est interrogé Abdoulaye Elimane Kane.

Il a cité les cas de la Biennale de l’art contemporain de Dakar, le Marché des arts et du spectacle d’Abidjan, le Festival de danse contemporaine de Luanda, trois manifestations financées majoritairement par l’Union européenne, qui a pratiquement décidé de faire cette distribution.

Lorsque ces manifestations sont organisées, dit-il, ‘’on s’aperçoit que, majoritairement, ceux qui ont des carnets d’adresse et des carnets de marché, qui viennent de l’Occident, achètent ces objets et, effectivement, les transposent ou les vendent dans le marché occidental’’.

S’agissant des expositions, le romancier note qu’il y a, dans certains espaces, beaucoup de diplomates accrédités à Dakar, beaucoup d’étrangers, que de Sénégalais du village ou du quartier qui viennent voir ces expositions ‘’parce que ces tableaux ne leur disent rien surtout que ce qui domine c’est l’art abstrait’’.

‘’Il y a un problème. Or l’Union européenne ne financerait plus si ce n’était pas ça’’, souligne-t-il, avant de poser la question suivante : ‘Comment être sujet, c’est-à-dire maîtres de notre production, et aussi de sa diffusion et de ses retombées alors qu’il y a une possibilité de faire une différence ici ?’’

‘’Ce que l’art africain est capable de faire, c’est de renouveler effectivement la perception de l’art dans le monde, mais la maîtrise des tenants et des aboutissements, les ficèles ne sont pas les Etats surtout que les Etats ne financent pas’’, a-t-il dit.

( APS)
Dimanche 16 Octobre 2011




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