APE, pré-accord partiel : Confirmation du leadership et de l'efficacité diplomatique de l’Etat du Sénégal


APE, pré-accord partiel :  Confirmation du leadership  et de l'efficacité  diplomatique  de l’Etat du Sénégal
J'ai suivi avec beaucoup d'intérêt l'audience que le Président de la République du Sénégal a accordée le samedi 08 février 2014 au commissaire chargé du  commerce de l'Union Européenne et aux deux négociateurs en chef de l'Afrique de l'ouest Kadré Desiré Ouadraogo Président de la commission de la CEDEAO et Cheikh Hadjibou Soumaré Président de la commission de l'UEMOA.

En effet, les  négociations sur les APE engagées depuis 2003 et bloquées de fait depuis la marche de la société  civile à Bruxelles sous l’impulsion du Président Wade contre les APE (Accords de Partenariat Economique) pour les APD (les Accords pour le Développement) viennent de connaitre un début de dénouement sous la conduite du Président Macky SALL mandaté par ses pairs ouest africains.

C’est vrai que les APE ont une charge négative avec la désarticulation inévitable du commerce africain  due à une concurrence inégale des produits européens subventionnés. La situation était devenue d'autant plus grave que la Cote d'Ivoire poids lourd de l'UEMOA et le Ghana, un autre grand de la CEDEAO avaient déjà signé ces accords. Et, si d'ici octobre 2014, un consensus n'était pas trouvé avec les autres pays, les APE devaient y entrer en vigueur. Ce qui allait être une catastrophe  car cette libéralisation allait inéluctablement mettre en péril toute possibilité d’intégration ouest africaine avec l'entrée massive des produits européens en Afrique de l’ouest à travers ces deux grands pays de l'UEMOA et de la CEDEAO.
C'est ce blocage de dix ans qu'a tenté de déverrouiller le sommet extraordinaire de Dakar du 25 octobre 2013 sur les APE avec deux objectifs: adoption d'un tarif extérieur  commun unique et position commune sur les APE avant la date fatidique d'octobre 2014.
Pour mener à bien un tel chantier en si peu de temps, les chefs d'Etat ouest africains ont désigné le Président Sénégalais  Superviseur unique de  ces négociations. Ils étaient conscients que pour relever un tel défi, il faut non seulement un grand leadership mais aussi avoir la position stratégique et l’autorité  d'un Chef d'Etat  avec une envergure à la fois politique et diplomatique permettant d'affronter de puissants interlocuteurs au niveau européen. Après trois mois d'intenses et discrètes démarches à la fois internes et diplomatiques, le comité des négociateurs co-dirigés par le président de la  commission de la CEDEAO et celui de l'UEMOA se retrouve en conclave le du 20 au 24 janvier 2014 à Dakar et adopte le projet à soumettre au Commissaire au commerce de l'UE les 6 et 7 février derniers à Bruxelles. Un  pré-accord partiel historique est trouvé entre les deux parties. Après l'audience du 08 février évoquée ci dessus, le  Président SALL va certainement soumettre le document aux présidents Alassane Dramane OUATTARA et Yayi BONI respectivement à la tête de l'UEMOA et de la CEDEAO avant sa validation par les instances de décision  de l'Afrique de l'ouest.
Il a certainement fallu  au Superviseur, le  Chef de l'Etat du Sénégal des rencontres stratégiques de haut niveau pour arriver à de tels résultats en si peu de temps. Son adresse au Parlement européen à Strasbourg le 8 octobre 2014 (avec un bref séjour à Paris) et sa rencontre le 5 décembre 2013 passé avec José Manuel Barroso Président du Conseil  européen sont à  placer certainement  dans ce cadre.


Avant de revenir plus tard  sur le contenu du pré-accord partiel, on  peut d'ores et déjà noter une ouverture  de l'UE au moins sur  trois points essentiels:
- La clause de non exécution qui indiquait que s'il y a violation des Droits  de l'homme, élections contestées, atteinte aux droits des minorités entendons homosexuels, etc. l'accord ne serait pas exécuté. La capacité de  persuasion  du Superviseur  se fondant sur nos religions, nos valeurs et l'étape actuelle de l'évolution  de nos  sociétés ont certainement permis de faire comprendre aux partenaires européens qu’il y a dans ce domaine, une ligne rouge à ne pas franchir.
  • la clause de la nation la plus favorisée qui visait essentiellement la coopération avec la Chine a également sauté
  • Enfin en ce qui concerne la question fondamentale  du Développement, même si  l'appellation APE demeure, le contenu  s’apparente plus au APD et cela parait clairement dans le pré-accord partiel qui accorde la priorité aux infrastructures: de désenclavement, (routes, chemin de fer), énergie, industrie, commerce, renforcement de capacité des acteurs non étatiques avec une enveloppe de 6,5 milliards d’euros pour les cinq prochaines années 2014-2019
  • le taux d'ouverture du marché de 80% sur 15 ans proposé a été ramené à 75% sur 20 ans.
    Durant cette période, avec tous les financements et mesures internes  et  d'accompagnement  prévus la compétitivité de nos produits africains devrait être au rendez-vous. 

      
Le point faible de ces pré-accords partiels devrait être  la division de fait de l’Afrique, car l’UE négocie séparément avec les différentes régions (Afrique centrale, Afrique de l’ouest, Afrique de l’est etc. Contrairement à l’approche panafricaine des autres grandes puissances économiques TICAD (Japon-Afrique)  Sommet Chine/Afrique, et au mois d’août prochain sommet USA/AFRIQUE.
En outre, pour réussir une véritable intégration et s’imposer face à toutes les autres puissances économiques, l’Afrique uni sur le principe de la coopération gagnant-gagnant devrait davantage impliquer et mobiliser  la société civile, toutes les forces sociales et économiques en vue d’un accord final sur les accords de partenariat économique viable qui dans le fait deviennent ainsi des Accords Pour le Développement (APD).
 
Kalidou DIALLO 
Ancien Ministre de l'Education Nationale 
Professeur d'Histoire Moderne et Contemporaine (UCAD, FLSH, Département d'Histoire) 
Président Alliance des Leadership pour l’Emergence et le Développement (ALED)


Lundi 10 Février 2014




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