AFFAIRE KARIM WADE/Monaco, la mère des batailles : 24 comptes bancaires et 10 milliards F Cfa en jeu.

Le bras de fer qui s’est ouvert le 5 octobre dernier entre l’État du Sénégal et les complices présumés de Karim Wade risque d’être épique. Au total, 24 comptes bancaires sont visés par les conseils de l’État selon des documents obtenus par Libération.
Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette procédure dure depuis au moins un an.


AFFAIRE KARIM WADE/Monaco, la mère des batailles : 24 comptes bancaires et 10 milliards F Cfa en jeu.
L'État  va t-il obtenir la saisie des comptes monégasques attribués aux complices présumés de Karim Wade ou subira t-il un revers comme c’était le cas à Paris ?
On en saura plus dans les prochains jours, mais il est sûr que la procédure, évoquée encore à Monaco le 5 octobre dernier, va donner suite à une âpre bataille. A preuve, l’État veut obtenir la saisie de 24 comptes bancaires appartenant à des proches présumés de Karim Wade - qui ne détient qu’un compte à Monaco - et jusqu’à présent, il s’est opposé au refus des autorités judiciaires monégasques.
En effet, c’est le 26 juin 2014 que les autorités sénégalaises avaient délivré une demande d’entraide pénale internationale destinée à l’Etat de Monaco en vertu de laquelle la saisie conservatoire des avoirs détenus sur les comptes bancaires en question ont été pratiqués. Vingt-quatre comptes bancaires ouverts au nom de Orah Placement Sa, Fontabel Trading Sa, Hbk Financial Investments, Dahlia Corporate Sa, Coral Services Management, Abs Corporate Ltd, Menzies Middle East et Africa Sa, Menzies Afrique Centrale, Metinvest Equity Sa, Sci Aisa, Djoz Sa, Gp Group International Ltd, Ma Engeering Corp, General Air service Sa, Aviation Handling Int Ltd, Menzies Middle East et Africa Holdings, Menzies Middle East et Africa Group, Pear Capital Investments Ltd, Regory Invest Inc, Hasssan Ferial, Aboukhalil Ibrahim ou Karim, Karim Aboukhalil, Mamadou Pouye et Karim Wade étaient visés. 
Ensuite, par requête du 17 novembre 2015, l’Etat du Sénégal avait saisi la présidente du tribunal de première instance de Monaco afin d’être autorisé à pratiquer une saisie-arrêt entre les mains de Julius Baer Bank sur tous les fonds ou valeurs pour le compte de Karim Wade, Bibo, Mamadou Pouye et des sociétés citées plus haut. Ce, en garantie de sa créance évaluée à 10 milliards de FCfa et qui représentent les intérêts civils décrétés par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) à la suite de la condamnation de Karim Wade et Cie.
Mais, par ordonnance du 26 novembre 2015, la présidente du tribunal de première instance a rejeté la requête et laissé les dépens à la charge de l’Etat. Elle a retenu qu’à la suite des arrêts du 8 août et du 14 octobre 2014, les mesures de blocage des comptes produisaient toujours leurs effets et permettaient de garantir le recouvrement de la créance de dommages et intérêts de l’Etat du Sénégal et qu’en conséquence celui-ci ne justifiait pas un intérêt légitime, né et actuel.
S’agissant plus spécialement de la demande de saisie-arrêt formée à l’encontre des 19 personnes morales visées dans la requête, l’Etat du Sénégal ne justifiait pas être titulaire à leur encontre d’un principe certain de créance puisque seuls Karim Wade, Ibrahim Aboukhalil, Karim Aboukhalil et Mamadou Pouye avaient été condamnés au paiement de dommages et intérêts, que les mesures de confiscation prononcées par la CREI ne portaient que sur les biens de toute nature appartenant aux personnes condamnées et que le caractère «fictif» des sociétés visées dans le cadre n’était pas suffisamment démontré.
Par requête du 11 décembre 2015, l’Etat du Sénégal, qui venait ainsi de subir un sérieux revers, a saisi la Cour des mêmes prétentions que celles qu’il avait formulées en première instance. 
Il a fait valoir que parmi les comptes ouverts dans les livres de la Julius Baer Bank figurent ceux appartenant en nom propre aux prévenus ainsi que ceux de sociétés offshore dont les sièges sociaux sont situé aux Iles vierges britanniques, au Luxembourg, au Panama ou encore à Hong Kong, qui ont pour bénéficiaires économiques Ibrahim Aboukhalil, Karim Aboukhalil et Mamadou Pouye, lesquels amis d’enfance de Karim Wade auraient servi de prête-noms à ce dernier pour lui permettre d’accroître illicitement son patrimoine.
L’Etat ajoutait qu’à la suite de la condamnation définitive des pré- venus au paiement de la somme de 10 milliards de FCfa à titre de dommages-intérêts, il possède encore une créance certaine, liquide et exigible.
La mise en recouvrement de cette créance nécessitera, selon l’Etat, la mise en œuvre de procédures d’exécution et d’exequatur notamment à Monaco qui risque d’être longues et au cours desquelles les prévenus mettront tout en œuvre, comme ils l’ont déjà fait dans le cadre de mesures conservatoires prises par la Commission d’instruction, pour tenter de faire échapper leur patrimoine aux poursuites.
L’Etat, dès lors qu’il ne dispose à ce jour d’aucune mesure pour garantir le paiement de sa créance de dommages et intérêts, justifie ainsi un intérêt légitime né et actuel pour obtenir la saisie à titre conservatoire des avoirs détenus dans les livres de la Julius Baer Bank non seulement par les prévenus mais aussi par les sociétés dont ils sont les bénéficiaires économiques.
S’agissant plus particulièrement de ces dernières, l’Etat jure que 17 sociétés sont titulaires de comptes auprès de la Julius Bank dont les bénéficiaires économiques sont Ibrahim Aboukhalil, Karim Aboukhalil et Mamadou Pouye, et deux ont pour bénéficiaires Nadia Bourgi, tante des deux premiers, tandis qu’Hassan Ferial est un «prête-nom».
Dans son arrêt, la Cour d’appel de Monaco a autorisé l’Etat du Sénégal à pratiquer une saisie-arrêt à concurrence de 10 milliards de FCfa sur les avoirs détenus par les mis en cause présumés mais aussi une saisie-arrêt à hauteur du même montant sur les comptes détenus par les sociétés visées. Mais les détenteurs des comptes ont fait appel et c'est cette énième affaire qui est pendante à Monaco. Qui plus, l’État ne dispose que d’une saisie-arrêt, c’est dire qu’il ne peut pas prendre disposition des fonds se trouvant dans les comptes visés. Pour le moment...
Mardi 18 Octobre 2016




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