22 ans de répression en Gambie : La société civile cherche compétence universelle

Depuis plusieurs années, c’est le même combat : Mettre fin aux atrocités, crimes et violations des droits humains en Gambie. Les organisations de défense des droits de l’Homme, qui ont tenu une conférence de presse à l’occasion du 22ème anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Yahya Jam­meh, envisagent des poursuites pénales pour arrêter la «terreur de Banjul».


Depuis 22 ans, il gouverne la Gambie d’une main de fer. Les organisations de défense des droits de l’Homme ont marqué hier le 22ème anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Yahya Jammeh en Gambie en documentant les atrocités qu’il aurait commises au cours d’une conférence de presse. Assane Dioma Ndiaye, patron de la Ligue sénégalaise des droits de l’Homme, Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty Sénégal, Abou­bacry Mbodj, Sg de la Raddho, Amadou Kanouté, responsable du Cicodev, ont, autour de Article 19, encore dénoncé le non-respect de la liberté d’expression et la répression meurtrière dans ce pays. 

Pour Assane Dioma Ndiaye, il ne suffit plus de dénoncer, il faut passer à des actions concrètes pour mettre fin à la violation des droits de l’Homme dans ce pays. Ainsi, il a annoncé une plainte contre Yahya Jammeh, mais aussi des actions pour qu’un mandat d’arrêt international soit délivré contre lui. «Il ne s’agit plus d’attendre qu’il quitte le pouvoir pour intenter des poursuites. On ne peut pas laisser quelqu’un tuer des gens comme ça et faire une justice a posteriori qui va certes aboutir à une condamnation, mais à quel prix ? Avec combien de morts ?», s’est-il interrogé. Parlant des mécanismes qui peuvent être utilisés pour ces poursuites, Me Ndiaye informe qu’une partie de la famille de Solo Sandeng (l’opposant mort en détention suite à la manifestation au mois d’avril dernier) est sénégalaise. Selon lui, «avec la compétence universelle quand un fait délictuel ou criminel est commis, si un pays a un lien de rattachement avec ce fait, ce pays peut établir sa compétence. Cela veut dire que les parents de Solo qui ont la nationalité sénégalaise peuvent saisir le procureur compétent au Sénégal», a-t-il expliqué.  

Poursuivant ses explications, l’avocat soutient que si Yahya Jammeh se déplace dans un pays qui a ratifié et applique la compétence universelle, ils auront «la possibilité de déposer plainte devant cette juridiction pour qu’il puisse être appréhendé sur le champ». Dans la même veine, Me Assane Dioma Ndiaye renseigne que le procureur près de la Cour pénale internationale (Cpi) peut aussi s’autosaisir. «La Gambie a ratifié le Traité de Rome. Par conséquent, une fois que le procureur estimera que certains faits relèvent de la Cpi, elle (Fatou Ben Souda) peut ouvrir une analyse préliminaire au niveau de la Gambie. Et pour cela, il suffit seulement de viser la détention arbitraire envisagée sous l’angle de la massivité dont la systématisation constitue un crime contre l’humanité», a-t-il expliqué. Ce qui, d’après lui, ne manque pas dans ce pays où on parle de centaines de cas de détention arbitraire, sans compter les meurtres, les cas de torture, les viols, les disparitions forcées. Selon lui, «toutes les bases raisonnables sont réunies pour que Mme le procureur près de la Cpi puisse ouvrir une analyse sur la situation en Gambie».

«Une conspiration à l’égard du régime gambien»

Outre ces actions, les organisations de défense des droits humains ont aussi interpellé la communauté internationale dont le silence est jugé coupable. D’après Me Assane Dioma Ndiaye, c’est comme si les Gambiens étaient des laissés pour compte. Partant de ce constat, il dénonce une «conspiration à l’égard du régime gambien». Donnant l’exemple de pays, qui ont connu des situations similaires et pour lesquelles la communauté internationale a intervenu, il fustige des «notions à géopolitique variable».

Les défenseurs des droits humains ont aussi, par la même occasion, attiré l’attention sur le «semblant» d’élection qui va se tenir en décembre. Pour Assane Dioma Ndiaye, ce n’est pas une élection, mais une «intronisation de plus pour 5 ans» de Jammeh.  «Dans cinq mois, on va vous parler d’élection, mais qu’est-ce que c’est qu’une élection où vous n’avez pas une liberté de choix, vous avez des résultats qui sont décrétés à l’avance ? Si vous contestez les élections, votre mort est garantie», a-t-il déploré. Et Me Ndiaye d’ajouter : «La communauté internationale va encore laisser Yahya Jammeh perdurer dans ses tueries et la violation systématique des droits des personnes ? Et il menace même le Sénégal, c’est ce qu’il ne faut plus tolérer.»  

Le Quotidien
Samedi 23 Juillet 2016




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